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Si les extraterrestres étaient effectivement capables de détourner la flotte, ils s’en abstinrent. Zevos était un système stellaire hébergeant deux planètes médiocrement habitables, une population très importante et un grand nombre de colonies et d’avant-postes disséminés sur des lunes, des astéroïdes et à proximité de géantes gazeuses. Les senseurs de la flotte ne détectèrent aucun vaisseau syndic quand elle resurgit du portail. « Ils ont rapatrié toutes leurs défenses mobiles dans leur système mère, supputa Desjani. Et sans doute aussi un bon nombre de leurs défenses fixes.

— Probablement. » Près du portail, une balise syndic de surveillance et de contrôle du trafic spatial couinait désespérément pour tenter d’aiguiller les vaisseaux de l’Alliance vers des canaux réglementaires et approuvés pour leur progression vers l’intérieur du système. « Diamant, détruisez cette balise.

— Ici Diamant, à vos ordres ! répondit le croiseur lourd. La balise sera détruite dans approximativement trente-cinq secondes. »

Le point de saut qu’ils visaient ne se trouvait qu’à une heure-lumière et demie du portail. Geary régla sur lui la trajectoire de la flotte, non sans jubiler à l’idée que les autorités syndics de Zevos ne verraient pas ses vaisseaux avant plusieurs heures, précisément quand ils s’apprêteraient à sauter hors du système. Dans la mesure où les Syndics avaient perdu de vue la méthode permettant d’exécuter des sauts à longue portée, ils s’imagineraient sans doute que la flotte se dirigeait vers une autre étoile, du nom de Marchen, bien plus éloignée que Zevos de leur système mère.

« Que comptez-vous faire de ces vaisseaux marchands qui s’approchent du portail ? » s’enquit Desjani.

En dépit de toutes les manœuvres destinées à leurrer les Syndics, Geary ne tenait pas à ce que la nouvelle de son arrivée à Zevos se répandît trop vite dans leur espace. Il chercha sur son écran à déterminer une solution en désignant le plus vite possible des unités de l’Alliance susceptibles de s’en charger. « Vingtième escadron de destroyers, interceptez et détruisez les cargos syndics désignés. Ne pourchassez aucune autre cible et n’engagez aucun autre combat sans en avoir reçu l’ordre. Rejoignez la flotte avant de sauter.

— Ici le vingtième escadron de destroyers. À vos ordres. » Exultant à la perspective de pilonner ces Syndics pendant que le restant de la flotte se bornait à transiter vers le point de saut, les destroyers du vingtième escadron piquèrent sur leurs proies.

Geary les regarda charger puis se pencha de nouveau sur ses options en matière de formation. Il restait convaincu que les Syndics ne s’amasseraient pas près du point d’émergence de la flotte dans leur système mère, mais, s’il se trompait, il tenait à être paré malgré tout. « Capitaine Smyth, je veux que vos auxiliaires remplissent à ras bord les réserves de cellules d’énergie et de munitions de tous les vaisseaux. Si vous rencontrez le moindre problème dans l’exécution de cet ordre avant le saut, faites-le-moi savoir. »

Plus que quinze heures avant de sauter. Dix jours dans l’espace du saut. Tout cela pour revenir là où il avait pris le commandement de la flotte.

Six

Un hurlement collectif, pareil au rugissement d’une troupe de lions venant de repérer leur proie, monta du personnel présent sur la passerelle de l’Indomptable quand la flotte émergea dans le système mère syndic. Elle l’avait fui six mois plus tôt après d’épouvantables pertes face à des vaisseaux ennemis à la supériorité numérique écrasante. Elle était maintenant de retour, et les épaves de ces mêmes bâtiments syndics jonchaient désormais l’espace le long de la trajectoire qu’elle avait empruntée pour rentrer chez elle. « On les tient », murmura Desjani, dont les yeux brillaient déjà d’anticipation.

Geary s’arrêta pour savourer cet instant en dépit de sa détermination à ne pas se laisser distraire. La flotte de l’Alliance avait émergé du point de saut perpendiculairement à la position qu’elle occupait quand il en avait pris le commandement, à un quart environ de la distance séparant la lisière extérieure du système du point de saut qui lui avait permis de gagner Corvus. À trois heures-lumière de là, le portail de l’hypernet était suspendu dans le vide. Même à cette distance, les senseurs de la flotte repéraient les épaisses murailles des champs de mines semées juste devant le portail, mines dont la densité et la multitude outrepassaient de très loin l’exigence de discrétion de telles armes. Juste derrière patientait un autre amas de cargos, tous reliés à des centaines de VAR parfaitement visibles, prêtes à être larguées pour frapper toute force sortant en chancelant de ces champs de mines. Et, par-delà les vaisseaux marchands, à quinze minutes-lumière seulement du portail, stationnait le corps principal des défenseurs syndics : douze cuirassés et seize croiseurs de combat en tout et pour tout, mais escortés par soixante et un croiseurs lourds, cinquante croiseurs légers et cent quatre-vingt-dix-sept avisos.

Plus capital encore, les senseurs de l’Alliance confirmèrent que le portail de l’hypernet était équipé d’un dispositif de sauvegarde. Certes, personne n’avait douté que cette protection serait mise en place, mais le seul fait de la voir installée dissipait les dernières inquiétudes à cet égard.

Partout ailleurs dans le système, on apercevait quelques croiseurs légers et avisos transitant d’une planète à l’autre et, à l’autre bout, presque diamétralement à l’opposé de la flotte par rapport à l’étoile, un unique cuirassé et trois croiseurs lourds formant un petit groupe.

« Je sais que nombre de ces cuirassés et croiseurs de combat ont été fabriqués récemment, mais où diable les Syndics ont-ils déniché tous ces escorteurs ? s’interrogea Geary.

— Ils ont dû dépouiller bon nombre de systèmes stellaires de leurs forces défensives, avança Desjani. Si nous avions foncé tête baissée dans ce piège, ç’aurait été la répétition du dernier passage de la flotte. Le temps de nous extirper de ce traquenard, nous aurions tant perdu de bâtiments que les Syndics auraient sûrement remporté la victoire. » Le regard de Desjani erra sur son écran. « Tout ce qui gravite en orbite fixe est équipé de batteries de rayons à particules ou de canons électromagnétiques. Vous avez bien fait d’économiser nos cailloux. »

Le système mère syndic constituait assurément un environnement riche en cibles. En sus des défenses fixes, ses planètes hébergeaient de nombreuses cités et colonies, bien que le principal monde habité présentât également de vastes étendues ressemblant à des parcs naturels et plantées de grands pavillons si éloignés les uns des autres que l’occupant de l’un ne pouvait certainement pas apercevoir les autres. « Belle planète, fit remarquer Geary.

— La principale planète habitée se trouve à huit minutes-lumière du soleil et elle est quasiment parfaite, convint Desjani. Celle qui s’en trouve à quatre minutes-lumière et demie est bien trop chaude mais celle à quinze doit être relativement agréable puisqu’elle héberge un grand nombre de cités enfouies, et la géante gazeuse qui en est séparée par trente-deux minutes-lumière présente des conditions d’exploitation minière très commodes. C’est un très beau système. Pouvons-nous le défaire ?

— Ouais. Commençons par les défenses fixes. Nous épargnerons les cibles industrielles et les transports pour conserver un moyen de pression et, si besoin, les liquider pour contraindre les Syndics à des négociations sérieuses. » Geary entra des commandes dans les systèmes de combat, en leur désignant pour cibles les défenses ennemies installées sur les planètes, lunes, astéroïdes et satellites artificiels gravitant sur orbite fixe, ainsi que les centres de commandement et de contrôle que les senseurs associaient à ces défenses, puis demanda aux systèmes automatisés de lui fournir un plan de bombardement. Le nombre des cibles était si important que les systèmes de combat de la flotte ne lui livrèrent une solution qu’au terme d’un délai sensible. Geary ne put réprimer un sifflement quand il l’étudia. « Je vais m’assurer que les auxiliaires nous fabriquent davantage de cailloux. Ça risque de sérieusement grever nos réserves. »