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— Le cachot est charmant et paisible, grommela Desjani sotto voce.

— Tanya ! la tança Geary avant d’élever à nouveau la voix : Excellente initiative, madame la coprésidente. Tâchez de régler ça entre vous, s’il vous plaît. » Geary ne tenait pas à s’en mêler car il risquait de perdre patience, d’ordonner aux politiciens de se plier à telle ou telle disposition et de s’habituer un peu trop aisément à leur donner des ordres, manière bien commode de composer avec eux. Il ne pouvait pas se permettre ce luxe quand la flotte et la population de l’Alliance ne seraient que trop heureuses de l’y inciter.

Difficile de déterminer les sentiments qui agitaient Sakaï à cet instant, mais il hocha la tête. « Très bien, amiral. Nous nous fions à vous pour nous prévenir dès que les forces combattantes de l’ennemi seront éliminées. »

À l’entendre, l’éradication de la flottille syndic ne serait qu’une formalité, songea Geary, mais il se contenta d’opiner. « Certainement.

— Je suis fier de voir tant de braves citoyens de Kosatka jouer un rôle aussi déterminant au sein de cette flotte. Sans leurs courageux sacrifices nous ne serions pas là. »

Desjani riboula des yeux à l’insu de Sakaï, mais sa voix restait empreinte de respect. « Merci, sénateur. » Les vigies originaires de Kosatka présentes sur la passerelle marmonnèrent toutes des remerciements polis mais brefs avant que les sénateurs ne se retirent.

Geary ne s’étonna guère de voir la sénatrice Costa réapparaître quelques instants plus tard et s’asseoir avec une légère fatuité dans le fauteuil de l’observateur. Il s’était attendu à ce que Rione cédât un moment sa place à l’un de ses collègues, puisqu’elle savait d’expérience qu’il ne se passerait rien avant des heures. La flottille syndic qui gardait le portail n’assisterait que dans plus de deux heures à l’arrivée de la flotte de l’Alliance, et la réaction de l’ennemi ne serait perceptible que dans près de trois.

Au bout d’une première heure, alors que la flotte de l’Alliance progressait toujours régulièrement vers les Syndics mais qu’il ne se passait pas grand-chose d’autre, sinon l’impact de projectiles cinétiques sur deux installations défensives ennemies, Costa commença à ne plus tenir en place. Une autre heure s’écoula sans grands changements. 0,1c paraît rapide et l’est en fait. À cette vélocité, les vaisseaux de l’Alliance couvraient quelque trente mille kilomètres par seconde. Mais, compte tenu des énormes distances dans l’espace, on n’en a pas moins l’impression de ramper. Quand l’ennemi se trouve à trois heures-lumière de vous et qu’il faut dix heures pour en parcourir une, on ne peut guère espérer combattre avant plus d’une journée.

« Ils devraient maintenant nous avoir aperçus, déclara Desjani assez fort pour se faire entendre de Costa. Plus que trois heures avant que nous ne les voyions réagir. »

La sénatrice, qui donnait déjà l’impression de s’ennuyer à mourir, eut une moue écœurée.

Geary se leva. « J’ai besoin de déambuler un peu pour réfléchir. Prévenez-moi s’il se passe quelque chose avant que ces trois heures ne se soient écoulées.

— Je n’y manquerai pas, amiral. »

Deux heures plus tard, Geary était de retour sur la passerelle. Rione était de nouveau installée dans le fauteuil de l’observateur, mais elle n’avait pas l’air particulièrement contente d’avoir imposé par la ruse à ses collègues une rotation qui la favorisait. Geary eut plutôt l’impression qu’elle s’inquiétait.

« Quel est le problème ?

— Je n’en sais trop rien. »

Elle n’en dit pas plus, aussi se rassit-il en adressant un signe de tête à Desjani, qui elle aussi paraissait préoccupée. « Quelle tournure est-ce que ça prend ? s’enquit-il.

— Assez bonne. » Mais elle n’avait pas l’air très satisfaite.

« Qu’est-ce qui vous perturbe ?

— Je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Et vous ?

— Moi non plus. »

Les minutes s’égrenaient péniblement, mais des alarmes finirent par s’afficher sur l’écran des manœuvres ; la flottille syndic avait enfin bougé.

« Ils esquivent le combat », déclara Desjani en se renfrognant.

Les vaisseaux ennemis avaient pivoté et quitté leur position près du portail en accélérant, mais sans adopter un vecteur qui les aurait rapprochés de la flotte de l’Alliance. « Où diable peuvent-ils bien aller ? » s’interrogea Geary. S’ils choisissaient de se maintenir hors de portée de ses forces sans pour autant sauter hors du système, ils représenteraient une menace aussi constante qu’exaspérante. Dans l’espace conventionnel, les hommes peuvent sans doute jouer à de petits jeux avec les lois de la physique grâce à des tampons d’inertie permettant des accélérations ou décélérations qui devraient normalement démanteler vaisseaux et occupants, mais personne n’avait encore trouvé le moyen de surmonter complètement les facteurs de temps et d’espace. Les Syndics étaient beaucoup trop loin pour que la flotte de l’Alliance eût une chance de les rattraper. Pour qu’une bataille ait lieu, il faudrait qu’ils s’en rapprochent, mais, pour le moment, ça n’avait pas l’air de les intéresser.

« Où qu’ils aillent, ce n’est pas vers nous », grommela Desjani, tandis que les trajectoires prévues des vaisseaux syndics se réduisaient, à mesure qu’ils s’éloignaient de plus en plus vite et que les senseurs de la flotte analysaient leur course, de cônes qu’elles avaient été à des lignes de plus en plus fines. « À croire qu’ils s’apprêtent à couper à travers un segment du système stellaire, non pas en s’éloignant franchement de nous mais sans non plus s’en rapprocher davantage. »

Les Syndics avaient-ils choisi de négocier sans livrer une bataille perdue d’avance ? Mais Geary attendait toujours de recevoir une réponse à l’ultimatum qu’il avait diffusé. « Ils restent une menace en suspens. Très bien. Nous allons la négliger pour foncer vers la principale planète habitée. Ça laissera à cette flottille un peu plus de deux jours pour décider si elle se contentera de nous regarder coller un canon sur la tempe de ses dirigeants. Soit elle nous combat, soit nous l’emportons. » Ce n’était sans doute pas entièrement satisfaisant, mais ça restait la meilleure option.

« Nous ne pouvons pas les intercepter, mais nous pouvons les attirer », convint Desjani en affichant ostensiblement son dépit.

La flotte de l’Alliance pivota derechef vers l’étoile et la planète qui n’orbitait qu’à huit minutes-lumière d’elle.

Dix autres heures s’écoulèrent encore lentement, tandis que les défenses fixes syndics s’évaporaient l’une après l’autre, dessinant un arc de destruction en expansion à mesure que le bombardement de l’Alliance les frappait. Quelques-unes, si distantes qu’elles n’avaient pas encore été touchées, déclenchèrent un tir de barrage de projectiles cinétiques contre la flotte, mais dans la mesure où celle-ci disposait littéralement d’heures et de jours pour les esquiver, elle ne consacra pas une seule seconde à s’en inquiéter.

Quand une réponse des Syndics parvint enfin à la flotte, elle ne provenait d’aucune des planètes. « Nous recevons une transmission du vaisseau amiral de la flottille syndic », annonça la vigie des communications.

Quand l’image apparut devant lui, Geary éprouva une sensation de déjà-vu. Il avait eu l’occasion, assis dans ce même fauteuil, de converser avec le même commandant en chef. « Lui ?

— Celui qui commandait ici aux forces syndics et a ordonné l’assassinat de l’amiral Bloch et des autres officiers supérieurs de la flotte », confirma Desjani. Chacune de ses paroles franchissait ses lèvres un peu plus âprement. L’amiral Bloch ne lui avait jamais inspiré une grande admiration, mais ça ne signifiait pas pour autant que ce meurtre, perpétré sous le couvert de négociations, ne la mettait pas dans une rage folle.