Выбрать главу

Desjani s’exécuta puis demanda à l’un de ses subordonnés de le contrôler également. « Ça m’a l’air aussi parfait que possible, amiral. Nous ne sommes pas très loin de cette planète, mais ils auront encore le temps de voir arriver les cailloux et d’évacuer les cibles. »

Geary donna son approbation au bombardement et une vague de projectiles cinétiques jaillit de nouveau des vaisseaux de la flotte. Il réduisit un instant l’échelle de son hologramme et constata que certains des cailloux largués deux jours auparavant continuaient de fondre sur leurs cibles dans des secteurs plus éloignés du système. « Très bien. Au temps pour le paradis des sports d’hiver syndic ! Feignons maintenant de nous apprêter à infliger le même traitement à leur principale planète habitée. »

Le dernier largage donnait l’impression d’avoir sensiblement amélioré l’humeur de Desjani. « Ils tentent de nous inciter à les pourchasser et nous nous efforçons aussi de les pousser à nous attaquer, mais nous ne faisons ni les uns ni les autres ce que nous avons l’air de faire.

— J’ai posé la question à… quelqu’un d’autre et on m’a répondu que le commandant Shalin ignorait sans doute tout des plans des dirigeants syndics. »

Sa piètre tentative pour éviter de citer le nom de Rione ne leurra pas une seconde Desjani. Elle fit encore la grimace, « Seul un politicien peut comprendre un autre politicien », marmonna-t-elle.

Costa venait d’arriver sur la passerelle, le visage impassible ; elle avait entendu les derniers mots de Geary mais, visiblement, pas ceux de Desjani. « Je suis du même avis que votre “source”, amiral. Je serais très étonnée que le commandant Shalin en fût informé. On le punit, déclara-t-elle brutalement. J’ai consacré quelques instants à me repasser le message qu’il nous a envoyé, en m’efforçant de surmonter la fureur que m’inspiraient ses paroles et son insolence pour essayer de déterminer ce qu’il tentait de dissimuler sur lui-même. De mieux comprendre sa position actuelle. En dépit de ses décorations et de son apparente arrogance, il crève les yeux qu’il n’a pas connu récemment une existence agréable, ni au plan mental ni au plan physique. Il a laissé la flotte s’échapper lors de son dernier passage. Il se sait remplaçable. »

Rione fixa Costa en arquant un sourcil. « Croyez-vous que nous pourrions conclure un arrangement avec lui ? » Desjani pivota sur son siège ; elle gardait contenance, mais sa tension était assez transparente pour que Geary pût la sentir. Il éprouvait la même sensation. Conclure un arrangement avec ce commandant ? C’étaient moins les pertes de la flotte lors de cette embuscade vieille de quelques mois que les meurtres des officiers venus négocier avec lui qui l’interdisaient. Mais Rione avait affirmé qu’elle ne voyait aucune raison de se fier à Shalin, alors pourquoi avait-elle soulevé cette éventualité en présence de Costa ?

« Un arrangement ? » Costa fit la moue. « J’en doute. Même si nous pouvions nous fier à lui. Si je l’ai bien cerné, c’est un homme capable de tenter n’importe quoi pour rentrer dans les bonnes grâces lorsqu’il est tombé en défaveur. Il nous doublerait sans hésiter.

— J’abonde dans votre sens », approuva Rione.

Geary vit l’autre sénatrice rosir de plaisir puis se rendit compte que Rione n’avait posé la question que pour manifester publiquement son accord avec Costa et s’attirer ainsi sa gratitude. Jamais je ne serai un politicien. Je ne suis pas fait pour jouer à ces petits jeux. Mais la discussion soulevait encore un problème. « Pourquoi a-t-il de nouvelles décorations s’il est tombé en disgrâce ? Pourquoi les Syndics lui auraient-ils remis d’autres médailles s’ils lui reprochaient de nous avoir laissés fuir ?

— Question de cohérence. » D’un geste, Costa montra la direction générale de l’espace de l’Alliance. « En l’absence de la flotte, la propagande diffusée par les Syndics affirmait qu’elle avait été anéantie dans leur système mère. S’ils n’avaient pas décoré le commandant en chef responsable de leurs forces durant cette bataille, on aurait trouvé ça bizarre et mis en doute la réalité de cette victoire. Croyez-moi ! Nous-mêmes nous raccrochions à des fétus de paille et nous aurions saisi celui-là au vol.

— Si c’est cela qui lui vaut ses médailles, on a du mal à se persuader qu’il puisse encore les porter. » Geary se retourna vers Desjani, qui s’était détendue depuis qu’il n’était plus question de suggérer un accord avec le commandant en chef ennemi. « Encore deux heures. Passé ce délai, les Syndics ne pourront plus faire s’effondrer le portail à temps pour nous atteindre.

— Voilà qui promet une intéressante expérience de dilatation temporelle », répondit-elle, sarcastique. Son regard se posa de nouveau sur l’hologramme et Geary comprit ce qui l’y avait attiré, car ses propres yeux ne cessaient d’y revenir : tel un œil gigantesque suspendu dans l’espace, le portail de l’hypernet syndic les regardait et se riait d’eux, pareil à quelque dieu cyclopéen de l’Antiquité s’apprêtant à déchaîner des forces terrifiantes. « Ces deux heures vont certainement nous sembler des jours, poursuivit-elle. Quand comptez-vous dépêcher le détachement ?

— Dès que nous virerons de bord pour aller nous cacher derrière l’étoile », répondit-il. Il avait jusque-là reporté le moment de donner à Duellos des instructions détaillées, mais il était temps de s’y résoudre.

Desjani hocha la tête, et Geary se rendit compte qu’elle l’avait encore subtilement éperonné pour le pousser à prendre une décision qu’il retardait. « Une fois que nous serons à l’abri, la flotte pourra bombarder d’autres cibles sur orbite fixe, fit-elle observer. Mais, si les dirigeants syndics optent pour la fuite, le détachement n’aura aucune chance de les rattraper. Avec une avance suffisante, un cuirassé lui-même pourrait se maintenir hors de portée de croiseurs de combat.

— Je sais. C’est un de nos principaux problèmes. Je m’efforcerai de le résoudre par les ordres que je donnerai à Duellos. J’aimerais disposer d’un autre moyen de m’en prendre à la direction syndic. J’espérais les piéger sur la deuxième planète, mais, maintenant qu’ils sont à bord d’un cuirassé qui stationne près du point de saut, je ne peux en aucune façon les menacer dans leur chair. » Rione lui avait déjà expliqué maintes fois que ces hauts dirigeants syndics ne s’intéressaient qu’à leurs intérêts privés, de sorte que ses moyens de pression resteraient limités tant qu’il serait incapable de s’en prendre à eux physiquement. Il reporta le regard sur le secteur de son hologramme montrant le cuirassé où s’était réfugié le Conseil exécutif syndic. Beaucoup trop éloigné pour qu’on pût l’arraisonner, à moins que ses escorteurs ne collaborent. Si seulement il avait les moyens d’influencer leur équipage…

« Amiral, je…

— Attendez ! » Geary s’efforça d’ignorer tout ce qui aurait pu le distraire pour appréhender une idée qui se dérobait à lui. Le cuirassé et les croiseurs de combat. Quelque chose les concernant. Et concernant aussi les Syndics, ainsi qu’une phrase prononcée par Boyens, l’officier ennemi embarqué sur l’Indomptable… « Il y a bien des forces défensives affectées au système stellaire d’Unité, n’est-ce pas, sénatrice Costa ? »