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Costa opina, légèrement interloquée. « Bien entendu.

— Sont-elles soumises à une rotation ? Est-ce que de nouvelles unités assurent périodiquement la relève tandis qu’on affecte les anciennes à d’autres missions ? »

Le front de Costa se plissa davantage. « Non. Nous préférons garder sous la main celles qui… » Elle regarda autour d’elle, consciente d’avoir failli reconnaître publiquement que le gouvernement se méfiait de la loyauté de certains bâtiments de l’Alliance. « Celles qui sont un facteur connu », acheva-t-elle.

Geary tripatouilla ses commandes pour essayer d’afficher un vieux relevé de situation. « Capitaine Desjani, j’ai besoin d’une image datant du jour où j’ai pris le commandement. Pas de la flotte de l’Alliance mais des vaisseaux syndics dans ce système. »

Desjani fit signe à un officier de quart et, un instant plus tard, l’écran de l’historique s’ouvrait à côté de Geary. Il écarta sciemment l’image de la massive formation de vaisseaux syndics qui faisait face à la flotte de l’Alliance et s’apprêtait à l’anéantir, image qui n’avait pas cessé de le hanter depuis, et zooma sur un petit secteur de l’hologramme éloigné de la position de la flotte de l’Alliance. « Regardez ! Gravitant autour de la principale planète habitée.

— Un cuirassé et trois croiseurs lourds, murmura Desjani. Curieuse coïncidence !

— N’est-ce pas ? Peut-on me dire s’il s’agit des mêmes qui stationnent en ce moment près du point de saut pour Mandalon ?

— On peut toujours tenter le coup. Les coques de bâtiments soi-disant identiques tendent toujours à présenter de légères variations. Lieutenant Yuon, demandez aux senseurs de procéder à une analyse de ces vaisseaux syndics avec leur résolution maximale, et voyez s’ils correspondent à ceux qui orbitent autour de la planète sur cet enregistrement. » Desjani était manifestement dévorée de curiosité, mais elle se retint de poser des questions pendant les quelques secondes où les senseurs de la flotte travaillaient.

« Capitaine, les senseurs évaluent à quatre-vingt-quinze, quatre-vingt-deux et quatre-vingt-dix-huit pour cent les probabilités pour que les coques de ces croiseurs lourds se correspondent entre elles, déclara le lieutenant Yuon. Et quatre-vingt-dix-neuf pour cent s’agissant du cuirassé. Il y a donc de fortes probabilités pour qu’il s’agisse des mêmes vaisseaux qui orbitaient autour de la principale planète habitée lors du dernier passage de la flotte.

— Une garde du palais, lâcha Geary. Ces croiseurs lourds et ce cuirassé sont peut-être dans ce système depuis des années. »

La sénatrice Costa fronçait toujours les sourcils. « C’est à peu près identique à nos propres mesures de défense relatives aux plus hauts échelons de notre gouvernement, amiral. En quoi est-ce si important ?

— Parce que le prisonnier syndic que nous détenons à bord de l’Indomptable nous a déclaré que les Syndics n’aimaient pas que leurs vaisseaux entretinssent des liens privilégiés avec un système stellaire en particulier.

— Bien sûr que non ! D’autant qu’on pourrait leur ordonner de rétablir l’ordre dans ce système en le bombardant ! Mais pourquoi…

— Ils sont là depuis des années, l’interrompit Desjani. Petites amies, petits copains, liens familiaux et ainsi de suite.

— Exactement, acquiesça Geary. On maintient ici ces spatiaux et ces officiers parce que la direction syndic tient à avoir à sa disposition des vaisseaux dont la loyauté est indiscutable. Mais, en prolongeant si longtemps leur mission, les Syndics ont contrevenu à leur propre politique. Ces hommes doivent se soucier du sort des gens qui vivent dans ce système. Pour eux, ces planètes ne sont pas des cibles mais la patrie d’individus dont les dirigeants syndics se moquent éperdument. »

Desjani eut un sourire mauvais. « Quelqu’un devrait leur dire ce que ces mêmes dirigeants comptent faire à ce système et à ceux qui l’habitent.

— Ouais. Quelqu’un devrait s’en charger. Dès que cette flotte sera à l’abri, je diffuserai un message à l’intention de tous les habitants du système pour leur faire savoir ce que méditent leurs leaders avant de se mettre en sûreté. »

Rione se pencha. « Ce cuirassé et ces croiseurs risquent de se mutiner, selon vous ?

— Mon opinion, c’est qu’il y a effectivement de bonnes chances pour qu’ils nous aident à instaurer un nouveau gouvernement des Mondes syndiqués, madame la coprésidente. Tout dépendra de ce que feront les autres commandants syndics du système. Eux aussi apprendront qu’ils sont remplaçables.

— Celui de cette flottille ne soutiendra pas un coup d’État, insista Costa. Il sait que les remplaçants nous le jetteraient en pâture. »

C’était plausible. « Ainsi, les dirigeants syndics lui auraient confié le commandement de la flotte parce qu’ils auraient la certitude qu’il les soutiendrait, même s’ils voient en lui un perdant qu’on peut aisément sacrifier ?

— Tant pis pour lui dans les deux cas, lâcha Desjani en souriant derechef. Ça n’arriverait pas à un type plus sympa. » Elle plissa les yeux pour fixer son écran en affichant une expression calculatrice. « Mais, si ce cuirassé et ces croiseurs lourds se mutinaient ou faisaient allégeance à des commandants syndics qui entreprendraient d’établir un nouveau gouvernement, Shalin s’en prendrait forcément à eux. Il y serait contraint. Les dirigeants actuels restent son seul espoir. »

Rione hocha la tête. « En effet. Il faut nous préparer à protéger ce cuirassé et ces croiseurs. »

L’expression de Desjani s’altéra, cédant d’abord la place à l’incrédulité puis à la répulsion. « Protéger des vaisseaux syndics ? »

Geary poussa un soupir exaspéré. Les ordres qu’il lui faudrait donner à Duellos se compliquaient de minute en minute.

En dépit de la difficulté qu’il avait éprouvée à quitter la passerelle, Geary était descendu dans sa cabine pour briefer Duellos, tant il répugnait à voir d’autres témoins surprendre leur conversation ou lire sur leurs traits malgré le champ d’intimité qui isolait son fauteuil de commandement.

Duellos se rejeta en arrière, apparemment détendu, mais le regard sur le qui-vive. « Un combat triangulaire ? Ce serait… intéressant.

— Un vrai souk, convint Geary. Vos croiseurs de combat accepteraient-ils de protéger des vaisseaux syndics ?

— Pas si je le leur présente sous cet angle. Quoi qu’il en soit, les protéger reviendrait à attaquer la flottille syndic. Je peux sans doute ordonner à mes croiseurs de s’en prendre à elle sans avoir à m’inquiéter d’un refus d’obéissance. » Il soupira. « D’un autre côté, j’ai bien envie de détruire tous les vaisseaux ennemis de ce système stellaire et de laisser aux Syndics le soin de faire le tri eux-mêmes par la suite.

— Il nous faudra pourtant un interlocuteur avec qui négocier. » Geary hésita un instant à avancer l’argument suivant puis poursuivit, conscient qu’il y était contraint : « Si, par la suite, il nous fallait choisir entre détruire ce cuirassé syndic et laisser leur flottille le reprendre, nous devrons veiller à ne pas laisser ces dirigeants nous échapper. » Non… c’était encore insuffisant. Il devait absolument formuler clairement ses ordres, sans laisser aucune ambiguïté susceptible de protéger ses arrières, ni Duellos perplexe quant à ce qu’on attendait exactement de lui. « Détruire ce cuirassé, autrement dit. »

Duellos opina sereinement. « Qui décidera de l’instant où nous devrons nous résoudre à le détruire ?

— Vous vous trouverez probablement à plusieurs heures-lumière de moi. Cette décision vous incombera, en fonction des circonstances. Quelle qu’elle soit, je vous soutiendrai.