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Desjani désigna sa vigie des manœuvres, qui entra la commande chargée de modifier la vélocité et le cap de l’Indomptable. Le vaisseau exécuta une légère embardée vers le bas, puis ses principales unités de propulsion s’activèrent, en même temps que celles de tous les autres bâtiments de la flotte.

« Dans à peu près quatre heures et vingt-trois minutes, les dirigeants syndics vont commencer à sérieusement déchanter, fit observer Desjani.

— Nous ne sommes pas encore tirés d’affaire, lui rappela Geary. S’ils faisaient sauter le portail maintenant, l’explosion pourrait encore nous rattraper.

— Ce n’est pas que je nourrisse beaucoup de respect pour leur intelligence, mais même eux ne sont pas assez bêtes pour sacrifier cette flottille sans nécessité apparente. » Elle regarda les vaisseaux du détachement Un virer en accélérant pour s’éloigner du reste de la flotte. « Dans quel délai comptez-vous informer ce système stellaire des nobles intentions de ses dirigeants ?

— Encore quelques instants d’attente. Je tiens à ce que leur Conseil exécutif assiste à notre changement de vecteur et s’interroge sur sa signification avant que la réception de mon message ne le désoriente davantage et n’accentue la pression. »

Desjani jeta un coup d’œil vers le fond de la passerelle, où Sakaï trônait sans mot dire ; mais ses yeux, en revanche, semblaient tout remarquer. « À propos de pression et de désorientation, les politiciens ont-ils tenté d’intervenir dans votre transmission ?

— Costa a suggéré que je leur en laisse la rédaction, Sakaï était hésitant et Rione s’est montrée vigoureusement opposée à cette suggestion, en affirmant qu’elle devait donner l’impression d’être de mon cru, et non pas l’œuvre d’un politique.

— Bon sang ! Me revoilà d’accord avec cette femme !

— Il faudra vous y faire. » Geary garda quelques instants le silence en s’efforçant d’adopter la tournure d’esprit requise puis il consulta l’heure. Parfait. Sa déclaration n’atteindrait les vaisseaux hébergeant les dirigeants syndics qu’après qu’ils auraient vu une bonne partie de la flotte se mettre à couvert, mais les habitants du système la recevraient bien avant. Narguer le commandant en chef de la flottille n’avait encore produit aucun résultat apparent. Ceux que déclencherait la lecture de son message risquaient d’être intéressants.

Geary inspira profondément à deux reprises pour se calmer et se préparer à prendre la parole, puis il activa le canal donnant accès à tous les récepteurs syndics du système. « Population des Mondes syndiqués, ici l’amiral Geary. J’ai le triste devoir de vous apprendre que vos dirigeants envisagent non seulement de vous abandonner, mais encore d’anéantir toute vie dans ce système stellaire pour s’efforcer de détruire ma flotte.

» Votre portail de l’hypernet est équipé d’un dispositif destiné à réduire la violence de toute décharge d’énergie consécutive à son effondrement. Toutefois ce dispositif peut être inversé de manière à la multiplier et à provoquer une dévastation équivalente à celle d’une nova. Vos dirigeants eux-mêmes comptent procéder à cette opération pour entraîner la flotte de l’Alliance dans la destruction, et cela au prix de toutes les vies humaines de ce système. Ils ne s’y sont pas encore résolus parce qu’ils espèrent faire d’abord sauter la flottille qui les rejoint hors de ce système, vers une autre étoile. Plutôt que de l’employer à votre défense, ils entendent l’épargner afin d’y recourir ensuite pour imposer leur loi dans d’autres systèmes stellaires.

» Vos dirigeants n’ont pas à craindre d’être victimes de cette catastrophe puisqu’ils sont hors d’atteinte, à bord d’un cuirassé stationnant près du point de saut pour Mandalon, qu’ils emprunteront pour se mettre à l’abri en vous abandonnant à votre sort. Il ne restera donc plus aucun témoin de ce désastre. Tous les êtres humains auront péri et toutes les machines auront été détruites, de sorte qu’ils pourront poursuivre cette guerre nulle et non avenue.

» Nous leur avons proposé des négociations afin de mettre fin au conflit, et les conditions que l’Alliance a soumises à votre Conseil exécutif ont d’ores et déjà été diffusées par tout ce système stellaire. À la fin de cette transmission, je veillerai à les réitérer, et vous constaterez qu’elles visent à mettre un terme à la guerre en laissant aux deux camps toute latitude pour vivre convenablement. Mais vos dirigeants ont refusé les pourparlers, et ils préfèrent anéantir votre système plutôt que de reconnaître leurs erreurs ou d’accepter des conditions qu’ils n’auraient pas eux-mêmes dictées.

» Quand vous recevrez ce message, la majeure partie de la flotte de l’Alliance sera hors de portée de l’agression qu’ils fomentent, à l’abri derrière votre étoile. Mais aucun d’entre vous ne sera en sécurité, sauf si vous œuvrez pour votre propre intérêt et celui des Mondes syndiqués. Vous me connaissez de réputation. Vous savez aussi ce qu’ont fait vos actuels dirigeants par le passé. Vous allez devoir choisir et décider à qui il vaut mieux vous fier. Tant vos vies que l’avenir des Mondes syndiqués en dépendent.

» En l’honneur de nos ancêtres. »

Geary se rejeta en arrière à la fin du message et Desjani lui adressa un sourire rassurant. « Ne nous reste plus qu’à espérer que les Syndics ne se contenteront pas d’obéir aux ordres et se serviront de leur tête. »

Plusieurs heures allaient encore s’écouler avant qu’il se passât quelque chose. Geary ne pouvait guère se permettre de déambuler dans les coursives de l’Indomptable, car il ne manquerait pas d’y croiser des spatiaux qui remarqueraient sa nervosité, mais il ne pouvait pas non plus tenir en place sur la passerelle, de sorte qu’il se résolut à s’accorder un bref répit dans sa cabine, qu’il arpenta de long en large comme un lion en cage. Il s’y trouvait encore quand le lieutenant Iger l’appela. « Nous constatons une activité inhabituelle sur le réseau de communication syndic, amiral. Un site s’efforce de prendre la priorité sur celui du point de saut pour Mandalon.

— Quelle est sa position ?

— Quelque part sur la principale planète habitée, mais ils passent par un grand nombre de relais, de sorte qu’il nous a fallu un bon moment pour le comprendre. » Iger eut un bref sourire. « Elle a reçu votre message il y a environ deux heures. »

Délai largement suffisant pour que quelqu’un eût déjà entrepris d’avancer ses pions, d’autant que le Conseil exécutif syndic se trouvait à près de cinq heures-lumière de la planète et, par le fait, incapable de surveiller les rebondissements en temps réel. « Nous n’avons rien capté de plus évident ?

— Non, amiral. Rien concernant une révolution ou de nouveaux dirigeants, ni ayant trait à un conflit ou à un déploiement de forces policières. Mais nos sous-routines d’analyse politique estiment que ceux qui cherchent à supplanter le Conseil exécutif sont probablement encore en train de se chercher des renforts parmi les divers commandants militaires de ce système et autres notables. Ils se tairont tant qu’ils n’auront pas réuni tous ces soutiens afin de ne pas mettre trop prématurément la puce à l’oreille du Conseil. »

Soit un traquenard tendu aux dirigeants syndics, lesquels s’attendaient à en tendre un autre à l’Alliance. « Tenez-moi informé dès que vous aurez de nouveaux éléments. »

Mais le message suivant provenait de Desjani. « La flotte vient d’entrer sous le couvert de l’étoile, amiral ! annonça-t-elle triomphalement. Nous sommes à l’abri.