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— Sauf le détachement Un.

— Certes, amiral, mais Duellos est assez grand pour prendre soin de lui. Toujours aucune réaction apparente de la part de la flottille syndic ni du cuirassé posté au point de saut. »

Tout semblait de nouveau marcher comme sur des roulettes. Il se demanda ce qui avait bien pu lui échapper cette fois.

Huit

« Le cuirassé bouge », annonça Desjani, interrompant les vaines tentatives de Geary pour trouver le sommeil dans sa cabine. « Les croiseurs lourds le suivent. »

Il s’efforça de chasser la fatigue qui embrumait sa cervelle. « Quel est leur cap ?

— Ils donnent l’impression de piquer vers la principale planète habitée. »

Qu’est-ce que ça cachait ? Ces vaisseaux syndics se seraient-ils mutinés ? Et conduisaient-ils les membres de leur Conseil exécutif vers quelque tribunal instauré par un nouveau gouvernement ? Ou bien ces dirigeants tenaient-ils encore fermement les rênes de ces bâtiments et rentraient-ils au bercail pour réaffirmer leur autorité ?

Mais Desjani avait déjà envisagé une autre éventualité. « Ils s’efforcent peut-être de nous attirer hors du couvert de l’étoile. De nous inciter à les intercepter, avant de regagner le point de saut en trombe pour s’échapper pendant que le portail s’effondrera sur nous. »

Geary se frotta les yeux puis fixa l’écran qui surplombait la table de sa cabine. « Nous n’avons pas à bouger. Le détachement Un peut se charger de ce cuirassé.

— Pas si la flottille le rejoint. »

Comme en écho aux dernières paroles de Desjani, des diodes d’alarme se mirent à clignoter sur l’hologramme en même temps que se modifiaient les vecteurs de la flottille ennemie. Geary attendit fébrilement qu’elle eût adopté un nouveau cap et une nouvelle vélocité, et que sa trajectoire projetée, après avoir oscillé en direction de celle du cuirassé, finît par se confondre avec elle. « Aviez-vous vraiment besoin de dire ça ? » demanda-t-il à Desjani.

Elle eut un sourire sans joie. « C’était aisément prévisible. Soit les dirigeants syndics regagnent la principale planète habitée pour relever des noms et botter des culs, auquel cas ils doivent se faire accompagner par la flottille, soit ils sont aux arrêts et elle se porte à leur rescousse. »

Une troisième trajectoire vint fusionner avec celles de la flottille et du cuirassé. « Le détachement Un va rattraper le cuirassé juste avant que la flottille ne l’intercepte.

— Pendant que nous sommes coincés ici.

— Désolé.

— Vous m’en devez toujours une ! »

Geary eut un sourire tout aussi contrit. « J’en prends bonne note. Je ne crois pas que nous devrions bouger maintenant. Il nous faut encore patienter plusieurs heures avant d’avoir la certitude qu’on ne cherche pas à nous attirer à découvert.

— Rester cachés derrière l’étoile pendant que les Syndics fondent sur les nôtres ? La flotte ne va pas apprécier, amiral.

— Moi non plus. Mais, si les dirigeants syndics essaient de nous appâter, ils ne perdront pas une seconde, cette fois, pour transmettre au portail l’ordre de s’effondrer dès que nous nous serons suffisamment éloignés de l’étoile. » Hélas ! ce raisonnement, et ses conséquences s’il se trompait, risquait de l’inciter à l’immobilisme. « Si je donne l’impression d’hésiter trop longuement à ébranler la flotte, rappelez-moi à l’ordre, Tanya.

— C’est mon habitude, amiral. »

Une heure s’écoula encore, durant laquelle l’anxiété et la mauvaise humeur de Geary ne cessèrent de croître. Il avait réglé son statut des communications sur REPOS, de sorte qu’aucun message ne pouvait filtrer sauf s’il provenait de Desjani, Rione ou Duellos. Pour l’heure, il ne s’en ressentait absolument pas d’écouter les conseils de Badaya ni de tout autre.

Mais restait le commandant Boyens. Serait-il en mesure de l’aider ? Non. Selon son propre aveu, Boyens a été exilé durant plus d’une décennie sur la frontière extérieure. Même si nous pouvions lui faire confiance, ce qui n’est pas le cas, il ne sait pas qui tient ici les premiers rôles.

Geary finit par regagner la passerelle et s’asseoir, lugubre, dans le fauteuil du commandement, tandis que les officiers de quart s’efforçaient de ne pas attirer son attention, témoignant ce faisant d’un instinct de conservation passablement affûté.

« Amiral. » Le lieutenant Iger affichait une mine joviale, laquelle s’effaça subitement dès qu’il vit la lueur qui brillait dans l’œil de Geary. « Nous captons un important échange de communications entre le cuirassé et la planète principale.

— Qu’est-ce que ça signifie ? » S’apercevant, à la réaction d’Iger, qu’il s’était assez rudement exprimé, il s’efforça d’adopter un ton plus serein. « Avez-vous une petite idée de leur teneur ?

— Non, amiral. Mais nous avons relevé un indice intéressant. Les messages en provenance de la principale planète ont désormais la priorité sur ceux du cuirassé dans le réseau syndic.

— Et la flottille ? Avec qui s’entretient-elle ? »

Iger secoua la tête. « Nous avons pu visionner quelques transmissions qui lui étaient destinées depuis cette planète, mais nous n’avons pas été en mesure de capter une seule réponse de sa part. Ni nos vaisseaux ni nos satellites chargés de recueillir des informations ne sont positionnés de façon idéale pour dire si la flottille et le cuirassé se parlent directement.

— Merci. » Geary se massa encore les yeux, en envisageant très sérieusement de demander au personnel médical de la flotte de lui dispenser des analgésiques uniquement délivrés sur ordonnance. « J’ai l’impression viscéralement enracinée que, s’il ne s’est rien passé dans la prochaine demi-heure, nous allons devoir sortir pour intercepter ce cuirassé, capitaine Desjani. Il sera encore à quatre heures-lumière de nous. Qu’en pensez-vous ?

— Que nous risquons de rater une occasion de retourner la situation à notre avantage si nous attendons de nous sentir en sécurité. Ce cuirassé ne nous verra pas nous ébranler avant quatre heures. Et nous-mêmes n’assisterons à sa réaction que quatre heures plus tard. Mais la principale planète habitée nous verra bouger bien avant. Nous ne sommes qu’à dix minutes-lumière d’elle. Quand ceux qui tentent de supplanter en ce moment le Conseil exécutif nous verront piquer sur le cuirassé, ils pourraient fort bien nous contacter. Ils tiennent à nous savoir de leur côté et, si répugnante que me paraisse l’idée de m’allier à des Syndics, nous avons besoin de gens pour étouffer la menace posée par le portail de l’hypernet.

— Pourquoi ne pas foncer tout de suite, en ce cas ?

— Ça me semble une excellente idée, amiral. J’abonde dans votre sens. »

Geary lui jeta un regard aigre et envisagea un instant de prendre un second avis auprès de Tulev. Disposer d’un point de vue différent sur le sujet ne saurait nuire, surtout venant d’un homme aussi solide que Tulev. Mais, alors qu’il s’apprêtait à enfoncer sa touche, une idée lui traversa l’esprit et il s’interrompit à mi-geste. « En avez-vous déjà débattu avec le capitaine Tulev, capitaine Desjani ?

— Oui, amiral.

— Et le capitaine Tulev serait du même avis que vous à cet égard ?

— Oui, amiral. »

Il pouvait décider de rester fumace ou alors apprécier le sel de la situation. La colère n’ayant guère été bonne conseillère jusque-là, autant s’efforcer d’en rire. « Merci, capitaine Desjani. » Il se tourna vers le fond de la passerelle, où le sénateur Sakaï était assis dans le fauteuil de l’observateur, apparemment détendu mais le regard alerte. « Nous allons tenter d’obtenir des petits jeux politiques qu’ils se pratiquent dorénavant à découvert, sénateur. »