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Costa se rembrunit davantage. « Vous venez de dire que les cuirassés font des cibles coriaces. J’ai cru comprendre que les croiseurs de combat n’étaient pas conçus pour les affronter seul à seul. En ce cas, pourquoi n’attaqueraient-ils pas les croiseurs de combat ennemis ? »

Geary prit une profonde inspiration avant de répondre. « Parce que nos croiseurs de combat, à neuf contre seize syndics, sont déjà en infériorité numérique et que, en outre, leur faire traverser le cœur de la formation syndic les exposerait, avec leurs escorteurs, au feu croisé des cuirassés qui occupent ses angles, ainsi qu’à celui d’un nombre écrasant d’escorteurs ennemis. Les soixante et un croiseurs lourds de cette flottille représenteraient à eux seuls un défi pour ce détachement.

— Pourquoi n’est-il pas plus puissant ? »

Geary adressa encore un regard à Desjani, qui avait l’air de beaucoup s’amuser. Rione disait que politiciens et militaires avaient cessé de se parler. Si c’est là un exemple des conversations qu’ils tenaient, je peux facilement le comprendre. Chaque fois qu’il livrait de nouveaux détails à Costa, elle exigeait d’en savoir davantage sans jamais donner l’impression de retenir la leçon de ses réponses précédentes. Peut-être fallait-il éviter de fournir à la sénatrice des précisions dont elle risquait de se servir ensuite pour mettre en doute sa jugeote. « C’est la décision que j’ai prise en ma qualité de commandant de la flotte, sénatrice. »

Au bout d’un long moment de réflexion, Costa finit par se lever. « Je ferais mieux d’aller reprendre les négociations. » Geary attendit qu’elle fût sortie pour se tourner vers Desjani. « Vous m’avez piégé.

— Je me suis contentée d’aviser la sénatrice que le commandant de la flotte était mieux qualifié pour répondre à certaines questions, amiral.

— Merci, commandant. Je vous retournerai la politesse un de ces jours, j’en suis sûr. »

Desjani le jaugea du regard. « Seriez-vous inquiet ? Duellos n’attaquera pas au centre. Nous l’aurions fait il y a un an. Plus maintenant.

— Et Kattnig ? S’il envoyait l’Adroit au beau milieu de la flottille syndic, combien d’autres vaisseaux l’y suivraient-ils ?

— Peu, espérons-le. Quand avez-vous pris un repas pour la dernière fois ?

— Je… Je ne m’en souviens plus. »

Elle sortit des barres énergétiques. « Vous pouvez priver votre organisme de sommeil, mais il a aussi besoin de se nourrir. »

Au souvenir du goût atroce de celles qu’il avait été contraint d’avaler lors du retour de la flotte dans l’espace de l’Alliance, Geary saisit prudemment les rations : « Bulgorine ?

— Elles sont relativement bonnes. J’ignore où l’on mange de la bulgorine, mais ce n’est pas mauvais.

— Qu’est-ce qu’il y a dedans ?

— Aucune idée, et je n’ai pas l’intention de chercher. Mangez-les, voilà tout. Vous devrez rester sur le qui-vive pour les douze prochaines heures au moins, alors votre organisme a besoin de carburant.

— Oui, m’dame. »

Desjani le fixa en plissant les yeux. « Si vous n’êtes pas au mieux de votre forme, amiral, le personnel et les vaisseaux de cette flotte en pâtiront. »

Indiscutable vérité. De sorte qu’il mangea les barres, relativement bonnes, effectivement, pour des rations. Il s’efforça ensuite de se détendre en regardant les forces de l’Alliance et des Mondes syndiqués se déplacer sur son écran. La vélocité de la flottille syndic avait augmenté, atteignant désormais 0,15 c, soit près de quarante-cinq mille kilomètres/seconde, mais, à l’échelle du système, les représentations de ses vaisseaux semblaient à peine progresser sur le fond des vastes étendues de l’espace. En revanche, lorsque l’on zoomait sur eux, ils donnaient l’impression d’être parfaitement immobiles puisque l’œil ne disposait d’aucun repère.

Les Syndics arrivaient obliquement sur le cuirassé qui, lui, frôlait dorénavant les 0,12 c. Mais sans doute aurait-il pu accélérer davantage. Quelles modifications le Conseil exécutif syndic a-t-il bien pu apporter à ce bâtiment pour améliorer son confort au détriment de ses capacités les plus essentielles ?

Il avait dû se poser la question à haute voix car Desjani répondit aussitôt : « Ça explique sans doute pourquoi nos senseurs ont évalué que sa masse était nettement supérieure à celle des cuirassés syndics de la même classe, sans toutefois que son blindage soit plus épais. Il doit transporter quelque chose de très lourd.

— Une citadelle ?

— C’est ce que je crois. Du moins un bâtiment aux parois très épaisses, construites dans le matériau le plus dense que les Syndics ont pu trouver sans recourir aux éléments radioactifs. Leurs dirigeants voulaient pouvoir s’y barricader en cas d’urgence.

— Les imbéciles ! grommela Geary. Ralentir un cuirassé au point qu’il ne peut plus échapper à ses poursuivants, et cela au nom de leur sécurité. »

Le contact du détachement Un et du cuirassé syndic avait de bonnes chances d’être peu mouvementé puisque les deux formations se croiseraient en trombe, sans réagir, hors de portée de leurs armes respectives. Mais la flottille syndic, elle, n’était plus qu’à deux minutes-lumière du cuirassé.

« Malédiction ! » Geary serra le poing de dépit. « Les syndics se maintiennent à une vélocité de 0,15 c. »

Desjani eut un geste d’impuissance. « Ils arrivent sur lui selon un angle oblique de sorte que leur vitesse relative n’est que de 0,08 c. Largement suffisant pour les viser.

— Mais Duellos devra freiner serré, sinon il croisera leur trajectoire à une vitesse combinée de 0,3 c. Comment pourrait-il toucher une cible à ce train ? »

Desjani transmit la question à sa vigie des systèmes de combat, qui secoua la tête. « La compensation des distorsions relativistes serait inefficace, amiral. Ses chances de faire mouche seraient de cinq pour cent au maximum, et probablement inférieures.

— Il freine ! » s’exclama Desjani.

L’écran de Geary affichait la même information. Duellos avait fait pivoter ses vaisseaux une heure et cinq minutes plus tôt, de manière à orienter vers l’avant leurs principales unités de propulsion, puis il avait entrepris de réduire leur vélocité aussi vite que le permettaient leur structure et leurs tampons d’inertie.

« Duellos n’est pas passé loin, ajouta Desjani avec admiration. Il devrait retomber à une vitesse combinée relative convenable par rapport aux Syndics, juste à temps pour retourner ses vaisseaux avant la passe de tir. »

Geary dut reconnaître que la familière formation syndic en parallélépipède était disposée cette fois de manière plutôt futée. Shalin avait déployé ses bâtiments en une sorte de boîte étroite dont la largeur occupait l’avant. Trois cuirassés défendaient chacun de ses angles. Au centre, les seize croiseurs de combat formaient un amas dont la puissance de feu multipliée compenserait la faiblesse de leur blindage plus léger et de leurs boucliers moins puissants. Les soixante et un croiseurs lourds étaient répartis de manière à renforcer les groupes, déjà formidables, des cuirassés qui formaient les angles et des croiseurs de combat du centre. Des essaims de croiseurs légers et d’avisos étaient disséminés dans les intervalles séparant les cuirassés des croiseurs de combat. Il n’existait tout bonnement aucun point faible que les croiseurs de combat du détachement Un pussent pilonner. « Il semble que Duellos ait viré de bord pour frapper un des coins inférieurs. »

Desjani hocha la tête. « Vous tendez à vous attaquer de préférence aux coins supérieurs, de sorte qu’il cherche sans doute à déstabiliser les Syndics.