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— Je ne suis pas… commença Otropa.

— Je n’en ai pas terminé, amiral. » Aux commandes de la flotte, Geary avait eu affaire à trop d’officiers récalcitrants pour supporter la morgue d’un Otropa, qu’il soit ou non d’un grade supérieur au sien. L’espace d’un instant, il lui sembla voir Numos cafouiller à Caliban, Falco menant des vaisseaux à leur perte à Vidha, le Paladin de Midea chargeant aveuglément vers son anéantissement à Lakota, et toute la patience dont il pouvait faire preuve à l’égard des imbéciles s’envola. « Nos ancêtres se battaient avec autant d’intelligence que de courage. Je le sais parce que j’étais là.

Ils se débrouillaient pour que leurs combats et leurs sacrifices soient fructueux. J’ai eu l’honneur de commander aux vaisseaux de notre flotte actuelle et aux hommes et femmes de leurs équipages, et j’ai eu aussi celui de leur montrer comment combattaient réellement nos ancêtres. Sur le champ de bataille, c’est avec l’ennemi qu’on rivalise, pas entre nous. Dans le travail d’équipe d’une flotte disciplinée et bien entraînée, il y a largement la place pour le courage individuel et l’émulation, mais pas au détriment de notre devoir envers la population et les mondes que nous protégeons. »

Otropa fronça les sourcils, donnant l’impression de se creuser la cervelle pour chercher une réponse. L’amiral Timbal ne montrait par aucun signe qu’il s’apprêtait à lui venir en aide et, tout au contraire, fixait un des coins de la salle comme pour se désolidariser de son collègue.

La femme râblée gloussa : « Avez-vous le commencement d’une preuve corroborant vos affirmations selon lesquelles les journaux de bord de la flotte auraient été falsifiés ? demanda-t-elle ironiquement à Otropa.

— Non, madame le sénateur, admit-il d’une voix étranglée. Mais ces résultats… Prétendre avoir détruit tant de bâtiments ennemis alors qu’on a souffert si peu de pertes…

— Alors peut-être devrions-nous laisser le capitaine Geary poursuivre sa présentation pendant que vous vous mettrez en quête de ces preuves », suggéra-t-elle.

Otropa piqua un fard, mais le sénateur Navarro hocha la tête et lui désigna la porte d’un coup de menton.

Otropa sorti, Geary laissa passer quelques instants de gêne puis continua son récit en ajoutant enfin à sa présentation les éléments les plus top secret : ce que l’on savait et ce qu’on pouvait raisonnablement conjecturer de l’existence d’une espèce extraterrestre au-delà de l’espace syndic. Le visage des dirigeants politiques trahit tout d’abord leur incrédulité puis une inquiétude croissante. Lorsqu’il expliqua comment les extraterrestres s’y étaient pris pour tenter d’anéantir la flotte dans le système de Lakota, une des sénatrices secoua la tête : « S’il existait une autre explication, capitaine, je n’y croirais pas cinq secondes. »

Geary fit la grimace.

« Croyez-moi, madame, répondit-il, s’il en existait une autre, nous aurions sauté dessus aussi vite que vous l’auriez fait vous-même. »

Quand il leur fit part des logiciels malfaisants implantés dans les systèmes de navigation et de communication des vaisseaux de l’Alliance, la mâchoire de Timbal s’affaissa et le sénateur Navarro se pencha brusquement en avant : « Vous avez trouvé ces virus ? Nos propres bâtiments auraient donc transmis leur position à ces… je ne sais trop quoi ?

— Nous n’avons pas encore compris comment ça fonctionnait, précisa Geary. Nous avons certes trouvé le moyen de nettoyer les systèmes de nos vaisseaux, mais nous devons présumer que d’autres bâtiments et installations de l’Alliance sont infestés par de tels virus. Cela vaut aussi pour ceux des Syndics.

— Comment se fait-il que personne d’entre nous ne l’ait su auparavant ? s’interrogea l’homme mince avec une nonchalance qui fit légèrement se crisper Navarro.

— Nous ne cherchions pas de ce côté, répondit Rione. Personne n’y songeait. Personne ne cherchait une technologie de cette nature, tellement plus avancée que la nôtre et celle des Syndics.

— Peut-être, concéda l’homme mince. Mais les raisons pour lesquelles nous ne cherchions pas sont indubitablement très diverses. »

La femme râblée s’esclaffa : « Serait-ce une allusion à l’intellect ou à la morale de nos camarades conseillers, Suva ? »

Navarro réussit à imposer le silence, mais son mécontentement était à chaque seconde plus évident : « Veuillez poursuivre, capitaine Geary. »

Tous tressaillirent quand Geary repassa la destruction du système de Lakota après l’anéantissement de son portail par les vaisseaux syndics qui le gardaient. « Nous avons eu de la chance là-bas. Comme je l’ai décrit dans mes rapports précédents, les experts ont statué que le niveau potentiel de la décharge consécutive à l’effondrement d’un portail peut être équivalent à celui d’une nova. » Les politiciens frémirent davantage. » Nous pensons que les extraterrestres sont capables de provoquer ces effondrements spontanés partout dans l’espace de l’Alliance et des Mondes syndiqués. C’est la seule explication plausible à ce qui s’est passé à Kalixa. » Timbal hocha vigoureusement la tête « Nous avons réussi à infiltrer un éclaireur dans le système de Kalixa. Celui-ci a été totalement dévasté. »

Le sénateur Navarro, qui jusque-là se couvrait les yeux de la main, la releva lentement. « Vous ne vous inquiétiez donc pas d’un effondrement spontané des portails, comme le prétendait le message diffusé par la flotte à son arrivée à Varandal. Mais plutôt de son déclenchement par ces extraterrestres.

— Oui, monsieur. Comme ils l’ont fait à Kalixa. Mais j’ai trouvé préférable de ne pas divulguer publiquement cette information. »

La femme maigre secoua la tête. « Vous avez déjà provoqué une panique suffisante avec cette transmission. Les images de Lakota ont flanqué une peur bleue à tout le monde.

— Il nous avait paru important d’inciter chaque système à installer dès que possible un dispositif de sauvegarde sur son portail de l’hypernet.

— Vous avez assurément réussi, convint Navarro avant de pousser un long soupir. Juste avant cette réunion, on m’a informé que celui de Petit venait de s’effondrer. Il leur a fallu un certain temps pour faire sauter un vaisseau jusqu’au plus proche système doté d’un portail et en apporter la nouvelle ici. Grâce au système de sauvegarde qu’ils avaient fini d’installer douze heures plus tôt, le niveau de la décharge d’énergie s’est borné à celui d’une éruption solaire d’intensité moyenne. »

L’amiral Timbal jeta un regard vers Geary. « Nous avons construit un grand nombre de chantiers navals à Petit au cours des cinquante dernières années. Ce système, outre la très forte densité de sa population, est d’une importance considérable pour l’effort de guerre de l’Alliance. Si ce que j’ai pu voir de Kalixa s’était produit à Petit, ç’aurait été tout à la fois une épouvantable tragédie et un coup sévère porté à nos défenses.

— Tous les systèmes stellaires de l’Alliance pourvus d’un portail sont-ils désormais dotés d’un dispositif de sauvegarde ? s’enquit Rione.

— Ils devraient l’être, répondit Navarro. Nous n’avons pas eu encore le temps d’en recevoir la confirmation de tous, mais même celui de Sol devrait être opérationnel à présent, et c’est pratiquement le terminus de l’hypernet de l’Alliance. »

Un sénateur de petite stature montra les dents : « Nous détenons enfin l’arme qui nous permettra de gagner la guerre ! L’Alliance possède ces dispositifs de sauvegarde mais pas les Mondes syndiqués ! Nous pouvons anéantir leurs portails, effacer leurs systèmes et…