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L’espace s’illuminait au rythme des frappes et de l’explosion de vaisseaux ; les Syndics traversèrent la première sous-formation de l’Alliance, qui contenait plus de cuirassés que toute leur flottille, puis frappèrent le corps principal, composé d’un nombre presque aussi impressionnant de cuirassés et de quelques croiseurs de combat, avant de s’enfoncer en titubant dans la troisième, dont les croiseurs de combat et les nombreux escorteurs s’acharnèrent sur leurs bâtiments affaiblis.

Le détachement Un de Duellos arrivait juste derrière. Il lui fit traverser les trois formations de l’Alliance en une manœuvre terrifiante qui ne prit qu’une fraction de seconde, puis déclencha à son tour une averse de feu sur l’arrière-garde ennemie.

Le choc des deux forces avait duré moins d’une seconde et déjà elles se séparaient à nouveau. Geary sentait l’Indomptable frémir encore sous l’impact des tirs ennemis. Il s’efforça de ne pas songer aux dommages qu’il avait subis pour mieux se concentrer sur les évaluations des conséquences de l’engagement, que les senseurs de la flotte déversaient à jet continu.

« Bon vent pour l’enfer ! » gouailla Desjani à l’intention de son écran, tout en dirigeant l’estimation des avaries.

Geary savait ce qu’elle voulait dire. Les quinze croiseurs de combat syndics survivants, dont leur vaisseau amiral, avaient été anéantis, déchiquetés ou volatilisés par les couches successives de bâtiments de l’Alliance. Le commandant en chef Shalin ne régnerait jamais sur les Mondes syndiqués.

De leurs douze cuirassés, six poursuivaient encore leur route en trébuchant, lourdement endommagés, mais Duellos et son détachement les rattrapaient et les éliminaient l’un après l’autre. Les autres étaient déjà hors de combat et vomissaient des essaims de modules de survie.

Sur près de deux cents avisos syndics, il n’en restait plus qu’une douzaine ; les petits escorteurs avaient été quasiment annihilés par la puissance de feu concentrée sur l’espace qu’ils avaient traversé. Dix croiseurs légers avaient survécu, dont cinq encore capables de filer à pleine vitesse, et près de vingt croiseurs lourds, à la fois assez petits pour esquiver les tirs visant cuirassés et croiseurs de combat et assez gros pour survivre aux projectiles qui avaient pratiquement anéanti les avisos, étaient toujours opérationnels.

Duellos appela, visiblement satisfait : « Nous aurions peut-être besoin d’assistance pour un ou deux croiseurs de combat, sinon tout s’est bien passé. Vous apprendrez sans doute avec intérêt que, quand ma formation s’est rapprochée de la vôtre alors que vous échangiez des tirs avec les Syndics, nos senseurs nous ont informés d’une densité de tirs jamais enregistrée à ce jour et ont tenté de nous en écarter. »

L’Inspiré creusait de nouveau la distance entre la flotte et lui, mais il se trouvait encore à une minute-lumière, de sorte qu’un semblant de conversation était possible. « Voilà aussi quelque chose que je ne veux plus jamais réitérer. Je vais faire pivoter la flotte, alors, si vous avez besoin d’aide, faites-nous signe. »

Geary donna les ordres requis pour ramener les quatre sous-formations à proximité l’une de l’autre en leur faisant décrire une vaste courbe à travers l’espace, puis se contraignit à affronter l’opération la plus pénible. Accompagné du cuirassé Gardien, seule escorte qui lui serait nécessaire maintenant que la flottille syndic avait cessé d’exister, le Sorcière filait vers une interception de l’Agile blessé.

Sur l’écran de Geary, des symboles et un texte en rouge rendaient compte du prix qu’avait payé l’Alliance lors de sa brutale passe d’armes avec les Syndics.

Les escorteurs et cuirassés de Fox cinq trois s’étaient trouvés en première ligne et ils avaient essuyé le plus gros des tirs ennemis. Geary se rendait seulement compte à présent que l’Intrépide faisait partie de ces cuirassés. Il avait envoyé sa petite-nièce au casse-pipe sans même en prendre conscience, tant il était absorbé par l’élaboration et l’exécution de son plan de bataille. L’Intrépide avait certes été pilonné, mais il n’avait pas souffert de dommages critiques. L’Orion, toujours aussi malchanceux, avait subi les plus lourds dégâts et il aurait besoin de grosses réparations. Hormis ces deux derniers bâtiments, les quatre cuirassés Téméraire, Résolution, Redoutable et Écume de Guerre semblaient s’être trouvés au mauvais endroit au mauvais moment, car c’étaient eux qui avaient le plus souffert.

Persuadés que Geary se trouvait à bord de l’un d’eux, les Syndics s’étaient efforcés de frapper les quatre croiseurs de combat du corps principal. Ces bâtiments avaient souffert, bien que les tirs de l’ennemi eussent été sérieusement émoussés. Le Risque-tout avait essuyé le plus grand nombre de frappes, mais l’Indomptable n’avait pas été épargné, loin de là. « Combien de morts ? » demanda-t-il à Desjani.

Elle soupira. « Dix décès confirmés. Trois blessés risquent de ne pas s’en tirer. Nous pourrons procéder aux réparations dans la semaine et nous serons de nouveau parés. »

À multiplier ces pertes par le nombre des vaisseaux de la flotte, on se rendait compte, encore une fois, que le prix à payer était par trop élevé.

Bizarrement, dans la troisième couche qu’avaient traversée les Syndics, c’était le nouvel Invincible qui avait le plus souffert. J’avais déjà entendu parler de porte-malheur, mais c’est à croire que l’Invincible attire les tirs ennemis comme un aimant.

Tout comme les cuirassés de Fox cinq trois, les escorteurs avaient connu un véritable enfer, raison précisément pour laquelle il n’avait pas mis de destroyers ni de croiseurs légers dans cette formation. Quatre croiseurs lourds, le Menpo, l’Hoplite, le Bukhtar et le Squamata avaient été détruits ou étaient manifestement trop endommagés pour bénéficier de réparations. Onze avaient été rudement pilonnés. Dans les autres sous-formations, vingt destroyers et six croiseurs légers étaient hors de combat ou détruits. Sans compter le croiseur de combat Affirmé, perdu un peu plus tôt.

« Ç’aurait pu être pire, fit remarquer Desjani.

— Vous dites toujours ça.

— Parce que c’est vrai la plupart du temps. Nous avons écrasé les Syndics ici, dans leur système mère et, pour le moment, il ne leur reste plus que ces croiseurs lourds et quelques escorteurs rescapés qui s’enfuient à toutes jambes. »

Geary regarda autour de lui et, conscient que le personnel de la flotte se souviendrait des pertes qui lui avaient été infligées avant qu’il en ait assumé le commandement et se féliciterait que sa chance eut tourné et que le commandant en chef syndic responsable en eût payé le prix, vit les officiers de quart échanger des sourires. Il s’efforça de chasser de son esprit la tristesse qu’il ressentait pour les hommes et les femmes qui avaient trouvé la mort en contribuant à ces victoires, tant ici que dans d’autres systèmes stellaires, et de faire coïncider son humeur avec celle, enjouée, des autres occupants de la passerelle.

Il n’était pas tout à fait parvenu à se remonter le moral quand la voix stupéfaite de la vigie des opérations lui coupa définitivement l’herbe sous le pied : « Le portail de l’hypernet est en train de s’effondrer. »

Neuf

L’attention de Geary se reporta brutalement sur l’hologramme, où la représentation du portail était passée au rouge et palpitait rythmiquement en signe d’avertissement. Maintenant ? Que tout se terminât ainsi alors qu’on avait triomphé de tous les autres défis serait assurément d’une cruelle ironie.