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Le visage de Desjani s’éclaira. « Si nous en trouvons, c’est que les Syndics ignoraient leur présence.

— Exactement. Et nous saurons aussi comment les extraterrestres ont eu vent de la nôtre. En revanche, si ces logiciels malfaisants sont absents, c’est que les Syndics auront appris à les neutraliser, ou bien que les extraterrestres auront opté pour ne pas les espionner.

— À votre place, je ne miserais pas un kopeck sur cette dernière hypothèse. Ces entités, quelles qu’elles soient, semblent tirer au mieux profit de tout ce qui peut les avantager. » Desjani secoua la tête. « Mais l’aide que nous apporterons aux Syndics sera notre couverture. Cela dit, nos spatiaux ne seront guère nombreux à se porter volontaires pour ces équipes d’assistance.

— Je sais. » Geary sourit. « Mais je dispose de nombreux fusiliers. »

Le général Carabali accepta calmement ses ordres, en ne trahissant que par le plus modeste des sourires la satisfaction que lui inspirait la véritable raison de cette mission. « Amiral, je recommanderais l’envoi de cuirassés et de croiseurs de combat pour transborder mes fusiliers à proximité immédiate des vaisseaux syndics endommagés. La présence proche de la puissance de feu de la flotte devrait dissuader les équipages syndics d’opposer une résistance risquant de causer de plus graves dommages à leurs systèmes. »

Sans rien dire de ceux causés à ces équipages eux-mêmes. « Excellente idée. Nous échafaudons le plan en ce moment même. Je vous ferai prévenir dès que nous aurons sélectionné les vaisseaux pour que vous puissiez briefer vos gens. Si jamais vous avez besoin de l’assistance d’un expert en systèmes de sécurité, faites-le-moi savoir et je me chargerai de réunir des “volontaires” en nombre suffisant.

— Merci, amiral. Mais les spécialistes en systèmes de sécurité sont assez nombreux chez mes fantassins pour y pourvoir. Cela dit, il leur faudrait peut-être quelques séances de briefing sur les logiciels malfaisants qu’ils devront rechercher, puisque vous les dites basés sur un principe inhabituel.

— Pour le moins, général. Je veillerai à ce que les officiers de la sécurité affectés aux bâtiments désignés soient prêts à leur fournir ces informations. »

Geary tenta de nouveau de se détendre. Aucun danger ne devait plus menacer la flotte, à moins que l’étoile elle-même n’explosât sans prévenir en nova. Mais, alors que les lumières d’un dernier cuirassé syndic s’éteignaient sous les tirs du détachement de Duellos, Geary fit appel aux politiciens. « Vous devriez informer le nouveau Conseil exécutif que nous cesserons de détruire les bâtiments rescapés de leur flottille s’ils nous promettent de ne plus nous attaquer. »

Rione eut un sourire sans joie. « Je crois leurs nouveaux dirigeants désireux de préserver l’existence d’autant de leurs vaisseaux survivants que possible. Félicitations pour votre victoire, amiral.

— Merci. Je compte sur vous pour transformer cet essai en une paix durable.

— Je ferai de mon mieux. »

Les heures suivantes offrirent suffisamment de distractions pour s’écouler rapidement : certaines unités de l’Alliance se rapprochèrent des cuirassés syndics à la dérive et entreprirent d’envoyer à leur bord des équipes d’assistance de fusiliers, dont la composition, la cuirasse et l’armement ne semblaient guère diverger de ceux de leurs sections d’assaut. « La mission d’une EAF est principalement d’ordre pacifique, tandis que celle d’une SAF est avant tout le combat, expliqua le général Carabali. Bien entendu, toutes sont configurées de manière à être interchangeables.

— Elles sont donc parfaitement identiques, finalement, sauf qu’elles portent un nom différent, lâcha Geary.

— Non, amiral. Elles sont différentes, mais elles ont exactement les mêmes capacités. Les instructions tactiques sont très claires à cet égard. »

Discuter de sémantique avec un fusilier qui a les définitions officielles de son côté ne semblait sans doute pas à Geary la façon la plus payante de passer le temps, de sorte qu’il en accepta l’augure et la logique, si tarabiscotée fût-elle, et retourna regarder les fusiliers passer les cuirassés syndics blessés au peigne fin. Il céda plusieurs fois à la tentation et afficha les images retransmises par la vidéo de contrôle et de commande, images qui reflétaient fidèlement ce que voyaient les soldats à travers la visière de leur casque. Mais l’intérieur de tous ces cuirassés offrait à peu près le même spectacle hideux, leurs dommages intensifs les ayant réduits à l’état d’épaves délabrées. Là où les fusiliers retrouvaient des spatiaux encore en vie mais laissés pour compte et privés de capsules de survie, ils insistaient pour les escorter à l’extérieur, ce qui ne revenait nullement à les faire prisonniers ; c’est du moins ce que le général Carabali affirma à Geary.

« Le plus clair des systèmes de ces cuirassés ont été détruits et ceux qui fonctionnaient encore effacés quand l’équipage a quitté le vaisseau, lui apprit finalement le général. Mais les petits génies chargés de décrypter les codes des systèmes de sécurité nous ont appris que ces virus inusités ne seraient sans doute pas affectés par l’effacement ou le nettoyage conventionnels des données, et ils avaient raison. Nous avons retrouvé des traces de ces vers en de nombreux points. »

Ainsi Boyens n’avait-il pas dissimulé d’informations sur les virus extraterrestres. Apparemment les Syndics ignoraient réellement leur existence. « Quels étaient les systèmes infectés ?

— Nous ne pouvons pas en avoir la certitude, admit Carabali. Les bâtiments ennemis ont été tellement pilonnés que certaines fonctions ont été automatiquement transférées vers tous les processeurs, serveurs ou réseaux accessibles par des sous-routines chargées du contrôle des dommages. De sorte que nous sommes à présent incapables de déterminer les sous-systèmes précis initialement infectés par ces vers.

— Merci, général. Excellent travail.

— Mes hommes devront-ils effectuer d’autres besognes, amiral ? Quelque part à la surface de la planète, par exemple ?

— Je n’en sais rien, général. Je vous en informerai dès que possible. »

Geary se frotta encore les yeux en regrettant de n’avoir pas eu le temps de réellement se reposer. Il s’était retiré dans sa cabine, mais l’étroit compartiment lui faisait davantage l’effet d’un cachot que d’un refuge. Combien de temps encore les politiciens allaient-ils s’entretenir ? Ils avaient extrait l’officier Boyens de son isolement pour les aider, ce qui n’était ni de bon ni de mauvais augure.

Il afficha un hologramme et agrandit l’image pour voir ce qui se passait. Près de l’ancienne position du portail de l’hypernet, la masse des cargos chargés de VAR stationnaient toujours, pratiquement immobiles, comme s’ils attendaient encore des ordres alors que leur mission était désormais totalement dépassée par les événements et qu’il ne restait même plus un portail d’où risquaient de surgir des assaillants. L’unique aviso qui en avait émergé avant son effondrement avait entrepris de traverser le système stellaire par sa lisière extérieure en direction du point de saut pour Mandalon, mais à une vélocité suggérant qu’il ne s’attendait pas à recevoir de sitôt l’ordre de sauter.

Le capitaine Smyth, commandant du Tanuki, s’était activé comme un beau diable : il avait ordonné à ses autres auxiliaires de se rapprocher des bâtiments les plus endommagés et de leur apporter une assistance supplémentaire en réparant les dégâts les plus importants.

Geary avait aussi parlé au capitaine de frégate Lavona de l’Adroit, pour l’affecter jusqu’à nouvel ordre au commandement de ce bâtiment, en lui laissant ouvertement entendre qu’il tenait à ce qu’on bouclât le plus vite possible l’enquête sur la mort du capitaine Kattnig, et en insistant sur les résultats qu’il en escomptait. Lavona avait paru plus que satisfaite de suivre les recommandations de Geary à cet égard. « J’ignore pourquoi tout cela s’est produit pendant le combat, amiral, mais c’était un excellent officier.