Выбрать главу

— C’est le souvenir qu’on gardera de lui », avait promis Geary.

Il regarda s’ébranler la flotte, consulta les données sur les pertes, les dommages et l’évolution des réparations, puis se résolut à patienter, non sans se sentir étrangement impuissant pour un amiral en chef.

Quand sa présence fut enfin requise dans la salle des négociations, Geary s’accorda sciemment le temps de vérifier sa tenue puis longea d’un pas tranquille les coursives de l’Indomptable jusqu’au compartiment sécurisé attenant au service du Renseignement. Des fusiliers étaient postés à l’entrée ; certains montaient la garde, mais quelques-uns avaient servi d’escorte à Boyens et attendaient à présent de le reconduire dans sa cellule d’isolement. À l’intérieur, les sénateurs de l’Alliance et l’officier syndic étaient assis autour de la table. Aucune image virtuelle, aucun écran actif ne signalait la présence de dirigeants syndics ni de négociateurs. Costa avait l’air à la fois belliqueuse et butée, Sakaï semblait légèrement indécis et Rione, comme à son habitude, dissimulait ses véritables sentiments. Quant à l’officier Boyens, il donnait l’impression d’être tout bonnement déprimé.

Rione fit glisser une unité de stockage de données dans sa direction quand Geary prit un siège. « Nous sommes parvenus à un accord. Les nouveaux dirigeants des Mondes syndiqués ont souscrit à des conditions sensiblement identiques à celles proposées par le Grand Conseil de l’Alliance. »

L’annonce était si peu conforme aux diverses expressions qu’affichait la tablée que Geary dut y réfléchir à deux fois avant de se persuader qu’il avait bien entendu. « Ce n’est pas une bonne nouvelle ? »

Sakaï hocha la tête. « C’est une excellente nouvelle, amiral. Le spectacle qui s’offre actuellement à vous résulte pour une bonne part de notre mutuelle incrédulité. Aucun de nous n’arrive à se persuader vraiment que les hostilités entre l’Alliance et les Mondes syndiqués ont cessé, au moins officiellement. Nous sommes tous nés après le début de cette guerre et elle perdure depuis. »

Un mot avait retenu l’attention de Geary : « Officiellement ?

— Oui. » Sakaï laissa à ce monosyllabe le temps de répandre son acide. « Les dirigeants syndics… ceux d’avant… ont beaucoup trop exigé de leurs planètes. Les nouveaux maîtres ont admis qu’autant qu’ils le sachent, ce que nous avons vu à Atalia, à Parnosa et ici se reproduit dans diverses poches de résistance de l’espace syndic : rébellion, révolution, et parfois chaos.

— Les Mondes syndiqués sont en train de s’effondrer, renchérit Rione. Nous avons planté un dernier clou dans leur cercueil en détruisant ici leur flottille. Ce faisant, nous avons éliminé la dernière force mobile d’importance obéissant à l’autorité centrale.

— Elle n’y répondait plus quand vous l’avez détruite, lança Boyens avec résignation.

— Je vous l’accorde. Quoi qu’il en soit, cette flottille était le dernier moyen dont disposait le pouvoir central pour éradiquer les facteurs susceptibles de briser les chaînes qui, depuis très longtemps, maintenaient les planètes et leurs populations sous sa dépendance. Le processus se répète dans tout l’espace syndic à plus ou moins grande vitesse, mais, le point capital, c’est que les nouveaux dirigeants des Mondes syndiqués ne sont plus en mesure de contrôler l’ensemble de leur ancien territoire. En outre, cela risque de compliquer le retour des prisonniers de guerre de l’Alliance, et la flotte devra peut-être intervenir pour veiller à ce que certains systèmes se plient à ce traité en prenant en compte tous les prisonniers pour les rapatrier. »

Geary comprit enfin ce que signifiait leur expression. « En somme, ce traité ne signifie rien. »

Sakaï secoua la tête. « Non, amiral. Ce n’est pas si grave. Nous n’avons plus à redouter les attaques de forces opérant sous le contrôle des Mondes syndiqués.

— Mais le pouvoir dont jouiront les successeurs est une autre paire de manches ! cracha Costa. Les nouveaux dirigeants d’ici n’ont plus qu’une prise très réduite sur ce qui se passe dans les autres systèmes de l’espace syndic… de l’ancien espace syndic, plutôt… mais ils savent au moins que des systèmes stellaires, voire des coalitions de systèmes sont en train de s’affranchir. Ils vont s’efforcer de maintenir la cohésion des Mondes syndiqués, mais leurs chances de leur conserver des dimensions et une puissance équivalentes sont infimes.

— Aucun n’est assez puissant pour représenter une menace pour l’Alliance, affirma Sakaï.

— Pour l’instant, répondit Costa. Mais certains systèmes stellaires opulents possèdent des chantiers navals très importants susceptibles de recréer en temps voulu leur propre flotte, tant pour se défendre que pour conquérir. »

Geary réfléchit en se massant le front à deux mains. « La grande guerre est finie mais de moindres menaces pour la sécurité de l’Alliance vont se faire jour dans tout l’espace syndic.

— Menaces que nous ne pouvons pas nous permettre de laisser grossir jusqu’à influer sur l’avenir de l’Alliance. » Costa fixa la table en fronçant les sourcils. « Ce qui ne signifie pas du reste qu’il n’en existe pas une autre là-bas, beaucoup plus dangereuse. » Elle tapa vigoureusement sur les touches devant elle. « Un vaisseau estafette syndic est entré voilà peu dans ce système. Les nouveaux dirigeants des Mondes syndiqués nous ont répercuté son message, agrémenté d’un S. O. S. À un moment donné ils essaient de nous éliminer et une seconde plus tard ils nous appellent au secours. »

L’image d’un commandant en chef syndic apparut au-dessus de la table. Il donnait ouvertement l’impression d’être désespéré, à l’opposé de la sereine arrogance dont Geary avait l’habitude. « Nous avons transmis de nombreuses demandes de renfort qui sont restées ignorées. Il devient désormais urgent de nous venir en aide. Nous venons de recevoir un ultimatum de l’espèce Énigma exigeant que l’humanité évacue totalement ce système stellaire.

— L’espèce “Énigma” ? demanda Geary. C’est le nom que donnent les Syndics aux extraterrestres ? »

Boyens hocha la tête. « Ça ne m’a pas paru un renseignement très important. Si cela peut vous consoler, seuls trois des nouveaux membres du Conseil exécutif étaient au courant jusque-là de leur existence. Les autres n’avaient jamais eu accès à cette information. Au fait, c’est le commandant en chef Gwen Iceni du système de Mitan. Quelqu’un de bien, de très correct en dépit de son grade, si je puis me permettre de porter ce jugement sur elle. »

Gwen Iceni parlait toujours : « L’ultimatum ne laisse aucune place à des négociations ni à un compromis, et toutes nos tentatives pour contacter l’espèce Énigma sont restées sans réponse, hormis la réitération de leurs exigences. Ses défenses fixes mises à part, notre système stellaire ne dispose que de très faibles forces mobiles. La flottille naguère cantonnée dans ce secteur de l’espace est partie, m’a-t-on appris. Tout a été évacué loin de cette frontière pour combattre l’Alliance. Nous ne disposons plus d’aucun moyen de défense efficace, mais évacuer ne fût-ce que la moitié de notre population dans le délai imparti par leur ultimatum nous serait impossible. Nous avons besoin d’aide, de toute celle que vous pourrez nous envoyer. Sinon la majeure partie de notre population se retrouvera clouée sur place et pratiquement sans défense quand il expirera, et ils s’empareront de ce système stellaire. Nous les combattrons, mais, seuls, nous ne pouvons pas espérer les vaincre. » L’image disparut, remplacée par un document exposant textuellement les exigences des extraterrestres ainsi que la date butoir de leur ultimatum, laquelle, comme put le lire Geary, n’était éloignée que d’un peu plus de trois semaines.