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— Donc nous sommes d’ores et déjà en guerre larvée avec eux, grommela Sakaï d’une voix sourde, tandis que Costa dévisageait Geary. Tout comme les Syndics, alors que la grande majorité de l’espèce humaine ignore encore leur existence.

— On peut mettre fin à une guerre, sénateur », lança Geary avant de sortir.

Quinze minutes plus tard, il était assis dans la salle de conférence en compagnie de Tanya Desjani et des présences virtuelles des capitaines Tulev et Duellos. Il leur exposa d’abord le traité, et s’interrompit le temps d’assister à la réaction des trois officiers.

Duellos ferma brièvement les yeux. « Je croyais ne jamais voir ce jour.

— Il a mis trop longtemps à venir, murmura Tulev. Beaucoup trop longtemps. Mais il est arrivé. La sorcière chante.

— Hein ? fit Geary. La sorcière ?

— La sorcière chante, répéta Desjani, l’air de retenir ses larmes. Ça signifie : c’est fini.

— Non, c’est “la sorcière est morte” qui signifie que c’est fini. Ou bien “la grosse dame chante”. »

Duellos rouvrit les yeux et lança à Geary un regard sceptique. « La grosse dame chante ?

— Oui.

— Quelle grosse dame ?

— Je n’en sais rien. C’est juste un dicton.

— Quelle sorcière ? demanda Desjani. Pourquoi est-elle morte ?

— Je ne le sais pas non plus. Tout ce que je sais, c’est que ces deux dictons étaient séparés il y a un siècle et que vous les avez mélangés.

— Peut-être y avait-il une grosse sorcière qui aimait chanter ? » suggéra Duellos. Il éclata de rire et Desjani l’imita. Même Tulev sourit.

Geary comprit subitement. Ils étaient tous ivres de joie, grisés par l’annonce de la fin de la guerre. Les réactions des sénateurs de l’Alliance avaient été tempérées par l’inquiétude, le souci qu’ils se faisaient pour les problèmes encore en souffrance, mais il fallait dire aussi que, pour eux, la guerre avait toujours été une affaire lointaine. Contrairement aux politiques, les officiers de la flotte avaient affronté en première ligne la mort et la destruction.

Mais, maintenant, il allait devoir leur apprendre que, si la guerre était effectivement terminée, la paix absolue restait un objectif éloigné.

Quelque chose dans son expression avait dû le trahir car le sourire de Desjani s’effaça pour céder la place à une moue inquiète.

« Quoi encore ? Les extraterrestres ?

— Oui. Et le fait que le secteur où se trouvait l’ennemi risque de se fragmenter. Un grand nombre de problèmes dans l’espace humain, dont les extraterrestres cherchent à profiter. » La liesse déserta subitement les trois officiers, remplacée par une réflexion empreinte de perplexité. « Capitaine Tulev, j’aimerais connaître votre opinion sincère sur ce sujet. »

Tulev soutint impassiblement le regard de Geary, sans laisser une seconde transparaître que toute sa famille, tous les gens qu’il connaissait étaient morts plusieurs décennies plus tôt lors d’un bombardement syndic massif de sa planète natale. « Vous me demandez si nous devons aider ceux qui ont semé tant de mort et de destruction parmi les nôtres ? » Il garda un instant le silence puis soupira. « Voilà très longtemps, mes ancêtres m’ont demandé de protéger autrui des Syndics mais d’être prêt à pardonner, faute de quoi la haine détruirait mon esprit comme la guerre a détruit tout ce que j’ai connu.

— Tanya ?

— Quoi ? demanda-t-elle, l’air courroucée.

— Vos recommandations. Je veux savoir ce que vous en pensez.

— Je crois que ça craint, amiral. » Elle se pencha en soupirant d’exaspération. « Je ne trouve aucune faille dans cette analyse. Au moins vingt systèmes stellaires. C’est beaucoup, d’autant que certains sont de premier choix. J’aimerais que nous en sachions davantage sur ces extraterrestres. Comment les Syndics se sont-ils débrouillés pour n’apprendre pratiquement rien sur eux en un siècle ?

— Ce serait effectivement intéressant de savoir à quoi ressemble leur armement, convint Geary. Ou leurs vaisseaux.

— J’ai le mauvais pressentiment que nous allons le découvrir à la dure, n’est-ce pas ? » Elle lui jeta un regard furieux. « Ou bien permettre à quelque chose dont nous ignorons pratiquement tout de s’emparer d’un gros morceau de notre territoire. C’est bien ça ?

— Ouais. » Geary continuait d’observer d’un œil la représentation du système de Mitan. « Comment croyez-vous que réagira la flotte ?

— Tout dépend de la façon dont vous le lui présenterez. En lui disant que nous allons aider les Syndics ? Ce serait très mal vu.

— Protéger l’humanité ? Est-ce que ça lui plairait davantage ?

— Elle le prendrait sans doute mieux, sauf que l’humanité en question est syndic. Même motif, même punition. Défendre, protéger… ces attitudes restent passives. La flotte est plus encline à attaquer. »

Geary opina. « Que nous allons botter le cul aux extraterrestres ? »

Desjani se fendit soudain d’un sourire. « Le cul d’extraterrestres qui ont osé s’attaquer à l’humanité. Vous devez donner à la flotte des raisons de penser que ces machins Énigma ont déjà menacé l’Alliance, qu’ils ont récemment tenté de nous anéantir en faisant s’effondrer le portail. » Son sourire s’évanouit. « Mais, si jamais la flotte se persuade que c’est le prélude à une nouvelle guerre ouverte, son enthousiasme risque d’être limité. »

Duellos venait d’étudier l’ultimatum. « Quels qu’ils soient, nos extraterrestres m’ont l’air de remarquablement bien manier le jargon légal. Ce document ne diffère en rien des documents juridiques humains qui me sont tombés sous les yeux.

— C’est aussi l’avis des politiciens, déclara Geary.

— Peut-être ont-ils capturé des juristes, suggéra Desjani.

— C’est sans doute pour cette raison qu’ils cherchent à nous détruire, convint Duellos. Comment réagirions-nous si des avocats extraterrestres nous tombaient dessus ?

— C’est chose faite, il me semble. Peut-être que tous les avocats sont des extraterrestres.

— J’en connais au moins quelques-uns qui pourraient bien être dans ce cas. »

Desjani renifla dédaigneusement puis secoua la tête. « Amiral, vous me demandez si nous devrions combattre ces êtres. Mais nous les combattons déjà. Ils nous ont valu plusieurs pertes à Lakota, n’oubliez pas.

— Ouais. » Comment oublier le spectacle de l’Infatigable, de l’Audacieux et du Rebelle se sacrifiant pour sauver la flotte ? « Il me semble que nous devons bien cela à ceux qui sont morts en les affrontant. Raison de plus pour y aller. »

Duellos hocha la tête. « D’autant que ce Boyens, selon vous, ne serait pas totalement irrachetable.

— Il ressemble peu ou prou à nos politiciens.

— Pas franchement une garantie, marmonna Desjani.

— Quoi qu’il en soit, poursuivit Duellos, si nous parvenions à sauver la région frontalière syndic et à aider les systèmes stellaires qui forment cette coalition à remplacer les autorités politiques actuelles, nous disposerions d’un soutien amical dans cette région de l’espace. Certes, sa puissance serait limitée, mais ce serait infiniment préférable à un morcellement de tout ce secteur en systèmes stellaires isolés.

— Qu’une telle puissance consente à nous laisser intervenir en sa faveur nous donnerait accès à celui qu’elle contrôle, renchérit Tulev. Ce serait vital pour la future défense de l’Alliance. Nous devons absolument contacter directement ces extraterrestres.