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— Tous ?

— Tous. Je souhaite seulement que ma présence n’ait pas rendu la vie plus difficile à certains d’entre eux et à l’un d’eux en particulier, qui ne mérite pas d’endurer cela par ma faute.

— J’y suis aussi pour quelque chose. Ce que j’endure est sans doute le prix qu’exigent les vivantes étoiles pour… un certain silence. » Elle le regarda enfin dans les yeux. « Qu’est-ce qui a changé ? Pourquoi ne voulez-vous plus démissionner ? »

Il haussa les épaules, embarrassé par la question. « Je n’en suis pas certain, mais en majeure partie à force d’observer des gens comme vous, Duellos et Tulev. Aucun de vous n’a renoncé, vous avez tous continué à faire votre devoir alors que cette guerre perdure depuis votre naissance. Vous restez tous un foutu exemple de conduite irréprochable, d’attachement opiniâtre au devoir quoi qu’il arrive. »

Elle détourna de nouveau le regard. « Ainsi… vous restez aux commandes de la flotte, amiral ?

— Jusqu’à ce que nous regagnions l’espace de l’Alliance. Ensuite j’y renoncerai, comme à mon grade provisoire d’amiral. Je resterai disponible si l’on a encore besoin de moi, mais, pendant quelque temps au moins, la situation sera différente.

— Vous êtes d’un insupportable entêtement. Et parfaitement cinglé. Vous en êtes conscient, n’est-ce pas ? » Elle fit mine de sortir puis jeta un regard derrière elle tandis qu’un petit sourire ironique retroussait légèrement ses lèvres. « Faites-moi une faveur et essayez d’avoir l’air heureux.

— Oui, madame.

— Mais pas trop. »

Ce qu’on penserait de ce qui s’était passé entre Desjani et lui s’il laissait brusquement transparaître une trop grande bonne humeur n’était que trop aisé à deviner. « Oui, madame.

— Et cessez de m’appeler madame. Vous m’êtes supérieur en grade.

— Oui, Tanya. »

Elle se renfrogna l’espace d’un instant, exaspérée, puis secoua la tête, ne parvint pas à réprimer un nouveau sourire et sortit.

Dix

Il régnait dans la salle de conférence une atmosphère détendue, plus paisible que ne l’aurait imaginé Geary. Mais pourquoi ses commandants n’auraient-ils pas ressenti calme et bonne humeur ? Il se doutait que le moulin à ragots devait avoir déjà colporté la rumeur du traité de paix avec les Syndics dans toute la flotte.

Et il lui fallait désormais leur apprendre que leboulot n’était pas terminé.

Il se leva et tout le monde se retourna pour le regarder en souriant, mais ces sourires se firent moins assurés dès qu’on remarqua sa mine sombre. « Vous savez déjà, j’imagine, que les nouveaux dirigeants des Mondes syndiqués ont consenti à mettre un terme à la guerre et à cesser les hostilités. Nous sommes convenus de procédures de vérification. Ils ont également promis de rapatrier tous les prisonniers de guerre et de nous fournir une liste exhaustive de tous ceux qui sont morts durant leur détention. »

Une onde de joie mâtinée de mélancolie parcourut les rangs d’hommes et de femmes qui lui faisaient face. Ceux qui étaient morts au combat ne reviendraient jamais mais au moins leur nombre ne serait-il accru par de nouvelles batailles. Ceux qu’on croyait à jamais perdus dans les camps de travail syndics retourneraient sans doute chez eux mais beaucoup y étaient morts de vieillesse, ou à la suite de problèmes de santé, en attendant une libération qui arriverait trop tard. Geary entendit d’autres allusions au « chant de la sorcière » quand les officiers se congratulèrent.

« Ça, c’est la bonne nouvelle », poursuivit-il, en entendant sa propre voix se durcir. Bon, elle reflétait précisément la colère qu’il éprouvait à l’idée que cette « fin » ne mettait pas un terme définitif à tout ce qu’elle aurait dû achever. « La mauvaise, c’est que les Mondes syndiqués sont en train de se désintégrer. Nous allons devoir affronter à longue échéance des problèmes de succession, qu’il nous faudra peut-être régler par la force afin d’obliger ces nouveaux États à se plier aux termes du traité. »

Le capitaine Landis, commandant du Vaillant, prit la parole en profitant d’une interruption de Geary : « Mais il ne s’agira que d’interventions mineures comparativement à la guerre, n’est-ce pas, amiral ?

— Relativement mineures, rectifia Geary. Mais, compte tenu de leur nombre, elles risquent de ne pas laisser cette impression à ceux qui y participeront.

— Maintenir l’ordre dans le cadavre pourrissant des Mondes syndiqués », grommela Armus.

Le capitaine Neeson secoua la tête. « Ce “cadavre” pourrait bien engendrer des puissances locales assez fortes pour nous inquiéter. C’est un vrai panier de crabes, mais il fallait s’y attendre, j’imagine. Les Syndics dépendaient de leur flotte pour mettre chacun de leurs systèmes stellaires au pas et nous devions détruire ces vaisseaux pour gagner la guerre. »

Badaya renifla dédaigneusement. « S’ils avaient eu l’intelligence de déclarer forfait beaucoup plus tôt, les Syndics auraient pu conserver leur pouvoir. Mais ils ont poussé le bouchon trop loin et, maintenant, ils n’ont que ce qu’ils méritent.

— Des dizaines de systèmes comme Héradao ? s’enquit le capitaine Vitali, commandant du Risque-tout. Les Syndics vont assurément payer cette paix au prix fort, et pendant très longtemps.

— Sans compter que nous avons gagné et que les menaces que nous devrons désormais affronter militairement sont relativement minimes.

— À une exception près », fit remarquer Geary. Il vit l’étonnement s’afficher sur tous les visages et régla l’hologramme qui flottait au-dessus de la table pour faire apparaître la région frontalière syndic proche du territoire des extraterrestres. « Les Syndics ont reconnu en notre présence l’existence d’une espèce extraterrestre intelligente le long de cette frontière, dans le secteur diamétralement opposé à celui de l’Alliance par rapport à leur territoire. »

Le silence qui s’instaura ensuite fut si profond que Geary se demanda s’il n’était pas subitement devenu sourd. « Qui sont-ils ? demanda le capitaine Duellos comme si lui aussi venait de l’apprendre à l’instant.

— On l’ignore. Ces extraterrestres ont réussi jusque-là à se dissimuler en maintenant une quarantaine si opaque que les Syndics n’ont rien appris de significatif à leur sujet en un siècle, si bien qu’ils ont baptisé cette espèce Énigma. »

Le général Carabali exhala bruyamment. « Laissez-moi deviner… Ils sont hostiles.

— Apparemment. Mais nous ne savons pas jusqu’à quel point. »

Badaya s’en était enfin suffisamment remis pour parler : « Quelles preuves de leur existence les Syndics ont-ils pu vous fournir ?

— Je vous les exposerai, mais nous-mêmes en avons eu au moins une. Vous vous souviendrez sûrement de la découverte, dans les systèmes de la flotte, de logiciels malfaisants fondés sur les probabilités quantiques. De tels virus dépassent de loin nos capacités en la matière et nous avons désormais la confirmation que les Syndics en sont au même point que nous. Autant que nous le sachions, ils sont même restés dans l’ignorance de l’existence de ces vers qui, le général Carabali pourra le corroborer, ont pourtant été décelés récemment dans les systèmes des épaves de leurs vaisseaux. Ces virus, implantés dans les nôtres pour permettre à ces extraterrestres de suivre nos déplacements et nos actions, ne peuvent qu’être leur œuvre.

— Ils ont tenté de nous nuire ou bien se sont-ils contentés de nous surveiller ?