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Le problème tactique avait changé. Au lieu d’esquiver la masse des bâtiments de l’ennemi, Geary devait orienter la flotte sur elle pour frapper durement les extraterrestres dès la première passe, avant qu’ils ne comprennent que leurs virus ne brouillaient plus ses senseurs ni ses systèmes de combat.

« On a enfin reçu des renseignements des Syndics, rapporta Desjani. Pas grand-chose en l’occurrence. »

Geary consulta la transmission et se rendit compte que le terme « fragmentaire » employé par Boyens pour décrire l’état des enregistrements rescapés des vaisseaux syndics détruits était pour le moins optimiste. Les extraterrestres s’étaient visiblement donné beaucoup de mal pour réduire ces bâtiments en lambeaux. Mais il étudia un instant ce qu’il avait sous les yeux. « Tanya, j’aimerais que vous analysiez cela vous-même pendant que je travaille au plan de bataille, puis que vous le transmettiez aux gens des systèmes de combat. J’en retire l’impression que leurs armes ne sont pas aussi supérieures aux nôtres que leurs systèmes de propulsion en donnent l’impression. Dites-moi si vous êtes d’accord.

— On y travaille, amiral. »

Il se concentra de nouveau sur son plan de bataille, n’en émergeant que pour entendre Desjani déclarer que tous les gens qu’elle avait consultés et elle-même gardaient une impression peu ou prou identique des armes extraterrestres. « Peut-être de plus grande portée et plus puissantes, mais ce n’est pas sûr. Essentiellement des faisceaux de particules, des lasers et des projectiles cinétiques. »

Sans doute restaient-ils des extraterrestres par leur morphologie et leur mentalité, mais les êtres de l’espèce Énigma n’en devaient pas moins obéir aux mêmes lois fondamentales qui gouvernaient l’univers. Certaines armes correspondaient logiquement à leur niveau de technologie. Peut-être possédaient-ils aussi des champs de nullité, mais c’était peu plausible car ils n’en n’avaient employé aucun pour détruire toute trace des vaisseaux syndics désemparés.

Enfin satisfait de son plan de bataille, Geary se rejeta en arrière dans son fauteuil en poussant un gros soupir. « À quelle distance se trouvent-ils ?

— Dix-sept minutes-lumière, répondit Desjani.

— Si près ?

— Je vous aurais interrompu à quinze pour vous l’annoncer.

— Merci. Je veux qu’ils croient savoir comment nous allons réagir et nous adopterons donc très tôt notre formation de combat. Jetez un coup d’œil sur mon plan avant que je ne le transmette. »

Desjani consacra plusieurs minutes à l’étudier puis hocha la tête. « Vous feignez de viser leur sous-formation supérieure qui n’a d’existence que virtuelle. Comment savez-vous que la seconde couche de leur formation adoptera cette disposition ?

— Ils y seront contraints si leurs armes ne sont pas supérieures aux nôtres. Ils partiront du principe que nous comptons frapper les vaisseaux factices de la couche supérieure et ils tiendront donc à les maintenir à portée de nos armes pour nous obliger à gaspiller nos munitions. Mais aussi à conserver à proximité ceux de la seconde couche afin de nous frapper au passage. Ce qui devrait les forcer à manœuvrer comme je le prédis.

— Ça fait beaucoup de suppositions, objecta-t-elle.

— Je sais. Mais fondées sur ce que nous savons d’eux. »

Desjani sourit. « Ils ne s’attendront assurément pas à ce que nous manœuvrions comme vous le prévoyez. Ce serait purement et simplement suicidaire si ces vaisseaux étaient réels. Eux aussi vont faire un tas de suppositions. Ça me semble correct. Une approche plausible si tous leurs bâtiments étaient réels. Et ils ne se sont jamais battus contre vous, de sorte qu’ils ne peuvent pas savoir qu’adopter si prématurément une formation de combat ne vous ressemble pas.

— Parfait. » Il hésita quelques secondes, conscient de tout ce qui ne reposait que sur des hypothèses. Mais il n’existait aucun moyen de livrer cette bataille sans courir de risques. « À toutes les unités de l’Alliance, ici l’amiral Geary. Vos ordres de manœuvre viennent de vous être transmis. Adoptez la formation Mérite à T quarante. Geary, terminé. »

À T quarante, la flotte se scinda en quatre disques aplatis dont la tranche faisait face aux extraterrestres en approche. Trois de ces disques, comprenant chacun un tiers de la flotte (soit huit cuirassés et sept croiseurs de combat pour les deux disques latéraux, et neuf cuirassés et six croiseurs de combat pour le disque central, le corps principal), s’alignaient côte à côte. Il avait fallu pour cela adjoindre à la cinquième division les trois croiseurs de combat de la classe Adroit, mais Geary avait décidé qu’il était plus intelligent d’apparier les Adroit avec des formations de croiseurs de combat plus costauds et compétents que de les maintenir au sein de leur propre division. Les croiseurs lourds, croiseurs légers et destroyers étaient équitablement répartis entre ces trois sous-formations afin de renforcer, par leur position respective, la protection des vaisseaux les plus endommagés mais encore aptes au combat.

Au-dessus de ces trois formations combattantes et abrité de toute menace directe, du moins fallait-il l’espérer, un disque de bien moindre dimension abritait les cinq auxiliaires, le croiseur de combat Agile et d’autres bâtiments trop abîmés pour rester en première ligne.

Geary attendit que ses sous-formations se fussent complétées puis modifia légèrement la trajectoire de la flotte pour faire directement viser à ses trois combattantes les trois formations virtuelles du sommet de l’armada ennemie. Comme l’avait dit Desjani, ça paraissait plausible dans la mesure où chaque sous-formation de l’Alliance correspondait par ses dimensions à la sous-formation ennemie qu’elle ciblait, le tout donnant l’impression que la flotte cherchait à n’engager le combat qu’avec une seule partie de l’armada extraterrestre à la fois afin de réduire à néant son avantage numérique apparemment écrasant.

Il était conscient que Costa brûlait de lui demander ce qu’il faisait, mais Sakaï restait impassible et ne lui apportait aucun appui dans ce sens, tandis que Rione affichait une calme assurance suggérant qu’elle, savait ce qui se passait.

« L’ennemi n’est plus qu’à cinq minutes-lumière. Délai avant contact estimé à environ vingt-cinq minutes. »

Sakaï secoua la tête. « C’est la première rencontre de l’Alliance avec une espèce intelligente non humaine et nous devons voir en elle une ennemie.

— Nous n’y sommes pour rien, lui rappela Rione. Mais, si l’amiral Geary leur laisse une dernière chance de virer de bord et d’esquiver le combat… »

Desjani se retourna vers les politiciens pour leur lancer un regard noir mais Geary haussa les épaules. « Le leur répéter ne saurait nuire. » Il enfonça à nouveau quelques touches de son unité de com. « À l’armada de vaisseaux non humains qui traversent ce système stellaire. Vous ne serez pas autorisés à dépasser notre flotte sans combattre, à attaquer des hommes ou leurs propriétés dans ce système stellaire, ni à faire main basse sur cette étoile. Virez de bord sur-le-champ et regagnez la proximité du point de saut par où vous avez émergé si vous ne tenez pas à déclencher un absurde bain de sang. En l’honneur de nos ancêtres. Geary, terminé.

— Devons-nous continuer à leur fournir des échappatoires ? marmonna Desjani, d’une voix trop sourde pour se faire entendre des politiciens. Ou bien avons-nous le droit de les décimer maintenant ?

— Vous pouvez. Mais c’est foutrement dommage. Songez à ce que nous pourrions nous apprendre mutuellement s’ils consentaient à des pourparlers.

— On pourra toujours parler quand ils auront enfin compris qu’il ne faut pas nous chercher. »

À une vélocité combinée de 0,2 c, les deux groupes de vaisseaux se précipitaient l’un vers l’autre sans altérer leur vitesse ni modifier leur trajectoire. « Dix minutes avant le contact. »