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— Vous vous êtes conduit honnêtement avec nous, mais pas toujours avec la sincérité que nous attendions de votre part, répondit Rione. Nous nous souviendrons aussi de cela.

— Qu’allez-vous devenir maintenant ? » demanda Geary.

Boyens lui jeta un regard sidéré, et Geary se rendit compte que le Syndic ne s’était pas attendu à ce qu’un officier de l’Alliance s’inquiétât de ce qu’il adviendrait de lui. « Je n’ai aucune certitude. La procédure standard exige qu’on me soumette à un interrogatoire pour vérifier si j’ai divulgué des renseignements pendant ma détention et me poser ensuite des questions sur la façon dont je me suis échappé et les raisons de ma relaxe, interrogatoire habituellement suivi d’un procès public pour haute trahison, avec une exécution ou un pénible bannissement à la clé. Mais la situation est légèrement différente aujourd’hui. Gwen Iceni est quelqu’un de bien pour un commandant en chef, et elle est assez intelligente pour comprendre qu’étant donné ce qui se passe dans tout l’espace syndic et ce que vous avez fait ici nous devons rompre avec certaines pratiques du passé. Je n’en sais donc rien. Je finirai peut-être sous les verrous ou je serai nommé ambassadeur, si l’on ne m’affecte pas au commandement d’une des nouvelles forces mobiles défensives que nous remettrons sur pied, à moins qu’on ne me fusille. Vous l’apprendrez tôt ou tard.

— L’accès à ce système stellaire pourrait nous être utile, déclara Geary.

— Je ne suis pas persuadé qu’on pourrait vous l’interdire si vous y teniez réellement », répliqua Boyens d’un air désabusé.

Rione affichait son masque le plus impavide et elle prit soin de s’exprimer d’une voix neutre : « Néanmoins, un accord nous autorisant cet accès serait d’un grand profit tant pour les gens d’ici que pour ceux de l’Alliance. Dites aux vôtres que l’Alliance verrait d’un très bon œil l’établissement d’un tel traité fondé sur notre intérêt mutuel. »

Boyens la dévisagea, le visage non moins inexpressif. « Même si la population de ce système décidait de se désolidariser des Mondes syndiqués, je serais très étonné qu’elle consentît à faire partie de l’Alliance.

— L’Alliance n’exige rien de tel ni ne force personne à s’associer avec elle, déclara Sakaï. Il existe de nombreuses formes de coopération.

— Très bien. Je transmettrai. »

Rione et Sakaï adressèrent un signe de tête à Geary, tandis que Costa se renfrognait mais gardait le silence. Geary tendit une disquette au Syndic. « Ceci contient la description des virus extraterrestres, le moyen de les localiser et de les désactiver. Vous découvrirez probablement que tous les systèmes de vos vaisseaux et de vos planètes en sont infestés. C’est par ce biais que l’ennemi vous restait invisible et évitait vos frappes pendant les combats. »

Boyens fixa l’objet puis tendit lentement la main pour le prendre comme s’il s’attendait à ce qu’on le retirât brusquement à la toute dernière seconde. « Pourquoi nous donnez-vous cela ?

— D’une part parce que, sans ces données, vous ne pourriez pas défendre efficacement la frontière, répondit Geary. Et, d’autre part, en gage de notre bonne volonté. » Il se garda d’ajouter que Sakaï, Rione et lui étaient parvenus à la conclusion qu’en se basant sur les révélations que leur ferait Boyens, les Syndics d’ici seraient tôt ou tard en mesure de découvrir l’existence des virus. Ce geste garantirait à l’Alliance la gratitude des Syndics. Mais, en outre, Geary ne tenait pas non plus à laisser sur place, loin de chez eux et à la merci de l’humeur des Syndics, des vaisseaux de l’Alliance chargés d’assurer leur sécurité et de veiller à ce que les extraterrestres ne reviennent pas les molester dans un proche avenir. Il valait donc mieux leur faire cadeau d’un outil qui leur permettrait de les affronter victorieusement. « Cette disquette n’explique pas comment opèrent ces virus, ajouta Geary, parce que nous l’ignorons. Si vous jamais le découvriez, nous vous serions reconnaissants de nous retourner la politesse.

— J’encouragerai assurément les miens à le faire, répondit Boyens en fixant lugubrement la disquette. Nous sommes restés en contact avec eux pendant un siècle et nous n’en avons jamais rien vu. Comment avez-vous donc fait ?

— Nous étudiions le problème d’un œil neuf. Cela nous a peut-être servi. Nous n’avions pas derrière nous un siècle d’expérience et de présomptions pour nous orienter dans la mauvaise direction. Que les extraterrestres disposent à bord de leurs vaisseaux d’un procédé leur permettant de rester invisibles à vos yeux était parfaitement plausible et, de surcroît, voilà un siècle, les moyens d’identifier des virus basés sur les probabilités quantiques n’étaient peut-être pas disponibles. Vous étiez parvenus à des conclusions qui tiraient toutes vos recherches dans un autre sens. »

Boyens hocha la tête d’un air lugubre. « Comme le dit cet ancien proverbe, parfois ce n’est pas ce qu’on ignore qui est dangereux, mais ce qu’on croit savoir.

— Exactement. Mais nous avons aussi trouvé ces virus parce qu’un brillant officier de l’Alliance cherchait quelque chose dont elle soupçonnait la présence, et ce sans pour autant limiter ses recherches à l’endroit où elle s’attendait à le trouver.

— Quelquefois, un seul individu peut faire toute la différence s’il est suffisamment brillant, convint Boyens. Mais j’aimerais assez lui exprimer ma gratitude un jour. »

Geary réussit à rester impassible. « Je crains que ce ne soit impossible. Elle est morte à Varandal durant le combat avec votre flottille. »

L’officier syndic croisa brièvement le regard de Geary. « J’en suis navré. Pour ce que ça vaut, moi aussi j’ai perdu des amis au combat. J’aimerais que tous soient encore de ce monde, les vôtres comme les miens.

— En ce cas, reprit Rione d’une voix ferme, faites en sorte qu’au lieu de se battre nos peuples travaillent à l’avenir la main dans la main. Nous ne pouvons pas ramener ceux qui sont morts à la vie, mais nous pouvons empêcher d’autres trépas. »

Boyens referma la main sur la disquette. « Oui. Je ne peux pas parler au nom de tous les Mondes syndiqués, uniquement pour cette région frontalière, mais je m’y efforcerai. » Son regard s’attarda sur Geary. « Allez-vous conserver le commandement des forces militaires de l’Alliance ? Les gens voudront le savoir. »

Geary formula soigneusement sa réponse : « Je me plierai aux exigences du Sénat de l’Alliance. Je commande actuellement à cette flotte, pas à toutes les forces de l’Alliance. J’ignore ce qu’on attendra de moi ensuite.

— Normal. Je vais me montrer brutal. Les gens d’ici vous font confiance. J’espère que le gouvernement de l’Alliance saura s’en souvenir. » Boyens salua Geary et les trois sénateurs d’un signe de tête, se retourna et se dirigea vers la navette.

Ils regardèrent le sas externe se refermer hermétiquement puis la navette décoller, et Geary sentit se dissiper une partie de sa tension. Ramener l’officier syndic dans ce système d’où était partie la flottille de réserve, c’était en quelque sorte boucler la boucle.

« Dommage qu’il n’existe aucun camp de prisonniers de guerre si loin de l’Alliance, fit remarquer Sakaï. Nous pourrions récupérer tous nos gens pendant que les Syndics nous sont encore reconnaissants.

— Ils le resteront tant que nous braquerons nos canons sur eux, grommela Costa. Je persiste à dire qu’il était stupide de leur dévoiler l’existence de ces virus. Nous aurions pu les étudier, apprendre à nous en servir puis les employer si besoin contre les Syndics.

— Nous avons désormais un autre ennemi, lui rappela Rione. Un ennemi commun, dirait-on, que nous le voulions ou pas. Et ces Syndics-là feraient de bien utiles alliés. »