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Il y réfléchit. « De suivre mon instinct.

— Et que vous ai-je dit voilà quelques jours à propos de votre capitaine ? »

Il s’efforça de se le rappeler. « De suivre mon instinct.

— Espérons que vous écouterez l’une ou l’autre. Que vous souffle-t-il de faire pour l’instant ?

— D’aller la trouver pour lui expliquer ce que je ressens et lui faire comprendre qu’elle ne m’empêchera pas de faire mon devoir, que son honneur m’aidera à trouver la force d’accomplir ce qu’on exige de moi, que je serai toujours à ses côtés et elle aux miens, et que jamais je ne jetterai mon dévolu sur une autre.

— Pas mal, reconnut Rione avant de montrer l’écoutille : Qu’attendez-vous, en ce cas ?

— J’essaie encore de comprendre pourquoi elle n’est pas restée pour en discuter. C’était la première fois que nous en avions l’occasion, alors pourquoi ne pas en profiter pendant que nous nous trouvions à bord du même bâtiment ? »

Cette fois, Rione leva les yeux au ciel. « Vous rejoindre dans votre cabine, voulez-vous dire ? Vous y coincer avant votre départ ? Sur son vaisseau ? Celui à bord duquel vous êtes restés confiné pendant des mois ?

— Ce n’est pas… Elle a dit quelque chose dans ce sens.

— Naturellement. Votre capitaine vous offre une porte de sortie, un moyen de remettre les pendules à l’heure, de vous esbigner si vous le souhaitez ou de sauvegarder son honneur et sa fierté sans vous contraindre à lui dire que “la situation a changé”.

— Mais comment la retrouver si elle a quitté le bord ? » Il pressentait plus ou moins que Desjani était déjà partie.

Rione arqua un sourcil. « Si vous tenez sincèrement à la rattraper, il vous reste une petite chance, John Geary. C’est ce qu’elle tente de vous faire comprendre et vous avez un moyen de le lui prouver. Et, au lieu de cela, vous restez planté là à me parler. »

Geary était déjà à mi-chemin du sas quand il se souvint de se tourner vers Rione. « Merci.

— Me remercier ? » Rione haussa les épaules. « Si mon mari est toujours vivant, il me sera sans doute rendu maintenant que la guerre est finie et qu’on va procéder à des échanges de prisonniers. Et vous croyez me devoir des remerciements ?

— Oui. Nous nous reverrons, madame la coprésidente.

— En effet, capitaine Geary. Il reste encore tant à faire. » Elle montra l’écoutille. « Votre cible prend la tangente. »

Geary emprunta une coursive puis pivota vers le premier panneau de communication pour appeler la passerelle. « Où est le capitaine Desjani ? »

L’officier de quart le fixa puis déglutit fébrilement avant de répondre. « Euh… le capitaine Desjani est indisposée, amiral. Elle nous a demandé de ne pas la dérang… »

Voilà qui confirmait ses pires soupçons. « Elle est toujours à bord ? »

L’officier hésita puis prit ostensiblement sa décision. « Non, amiral. Elle est partie en permission il y a moins de deux heures et elle a pris une navette pour le principal terminal de passagers. » Les mots lui sortaient en rafale de la bouche, tant parler semblait la soulager.

« Vous n’avez pas annoncé son départ.

— Amiral, le capitaine Desjani nous avait ordonné…

— Très bien. J’ai besoin d’une des navettes de l’Indomptable pour me transporter jusqu’au terminal de la station orbitale Amaru et il me la faut sur-le-champ. »

La vigie afficha une mine horrifiée. « Amiral, toutes les navettes de l’Indomptable sont en bas à la maintenance, annonça-t-elle d’une voix non moins paniquée. Il est très inhabituel de les descendre toutes en même temps mais le capitaine Desjani l’avait ordonné. Celle qu’elle a empruntée est aussi partie à l’entretien après son retour. »

Il fallait qu’elle me complique la tâche au maximum. Geary réfléchit un instant à la meilleure façon de s’y prendre. Faire venir une navette d’un autre vaisseau prendrait du temps, sans doute beaucoup, et risquait de mettre la puce à l’oreille du QG de la flotte quant à sa propre fuite. Mais il ne voyait pas d’autre solution. Il s’apprêtait à l’ordonner quand la vigie reprit la parole, l’air cette fois très étonnée.

« Amiral, une navette de l’Inspiré annonce qu’elle est en approche terminale de notre soute. Elle affirme avoir reçu des ordres pour un transfert de passager à haute priorité. S’agit-il de vous, amiral ? »

Merci, capitaine Duellos. Je ne sais pas comment vous avez deviné, mais je vous dois une fière chandelle. « Oui, c’est bien pour moi. Qu’elle se tienne prête à décoller dès mon entrée dans la soute. »

Il dut néanmoins patienter deux bonnes minutes avant que la navette de l’Inspiré ne se détache de l’Indomptable. « Une des soutes du terminal en particulier, amiral ? s’enquit le pilote. C’est vraiment très vaste.

— La plus proche de celle où devraient embarquer bientôt les passagers d’un vaisseau en partance pour Kosatka.

— Un bâtiment civil ? s’enquit le pilote d’un air dubitatif. Je peux trouver facilement cette soute, mais je ne suis autorisé à emprunter que des soutes militaires, de sorte que je devrai m’amarrer assez loin malgré tout.

— Vous n’avez vraiment aucune possibilité d’emprunter une soute civile ?

— Aucune, amiral. Enfin… il y en aurait peut-être une… En cas d’alerte en approche, il me faudrait gagner la plus proche. »

Geary s’efforça de s’exprimer d’une voix normale. « D’alerte en approche ?

— Oui, amiral. En raison de la dépressurisation de sa cabine, par exemple.

— Je vois. Quelles sont nos chances pour qu’une telle alerte se déclenche alors que nous arrivons à proximité de la soute dont j’ai besoin ? »

Il entendit pratiquement sourire le pilote. « Pour vous, amiral ? Je sens qu’elle ne va pas tarder à hurler. J’imagine que vous souhaitez un trajet jusqu’au terminal à la plus haute vélocité possible, n’est-ce pas ?

— Bien vu.

— C’est comme si c’était fait, amiral. »

Vingt minutes plus tard, Geary descendait en titubant de la navette, dont le pilote s’en était effectivement donné à cœur joie pour éperonner son pigeon. Il croisa à la sortie de la soute quelques civils à l’air blasé vêtus de tenues qu’il ne reconnut pas. L’un d’eux tenta de l’arrêter mais Geary brandit une paume comminatoire. « Je suis pressé !

— Vous êtes tout de même tenu à… » Le regard du civil se verrouilla sur le visage de Geary et sa mâchoire s’affaissa. « Je… Je…

— Excusez-moi. Je suis pressé », répéta Geary en le dépassant à toute allure.

On apercevait certes de nombreux uniformes dans la foule, mais les vêtements civils qui abondaient partout n’en semblaient pas moins détonner, non seulement parce qu’il avait passé si longtemps à bord de bâtiments militaires mais encore parce que les styles s’étaient considérablement modifiés en un siècle. Les sénateurs à qui il avait eu affaire portaient tous des costumes officiels peu susceptibles d’évoluer et d’un style encore assez proche de celui qu’il avait connu cent ans plus tôt, mais les civils qu’il croisait çà et là arboraient tous d’étranges accoutrements. Geary était conscient qu’il s’agissait seulement du sommet de l’iceberg, d’une infime partie des changements auxquels il devrait s’habituer.

Mais ça pourrait attendre qu’il ait atteint son objectif. Si du moins il le gagnait à temps. Il n’arrêtait pas de s’engouffrer dans des goulets d’étranglement, des amas de gens à l’arrêt qui le ralentissaient. Il fonçait tête baissée vers la soute dont le pilote de la navette lui avait donné le numéro, en s’efforçant de ne pas prêter attention aux regards curieux qui se tournaient vers lui. Puis un groupe de spatiaux se retournèrent, l’aperçurent et le saluèrent avec de grands sourires, tandis que, non loin, d’autres militaires les regardaient faire avec stupéfaction, intrigués par ce geste peu familier.