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— Quoi ! s'étrangle notre collaborateur.

— Comprenez que c'est LA SEULE FAÇON DE LEUR ÉPARGNER LA MORT PAR LES PIRANHAS. Il faut gagner du temps. Téléphonez immédiatement, sinon dans quelques minutes il sera trop tard !

Pour éviter de nouvelles objections je coupe la communication. A nouveau je me mets à l'écoute du Gravos. Je n'ai que son souffle. De temps à autre il bougonne entre ses fausses dents : « Je sais pas si j'ai les biscotos ramollingues, mais je te trouve en plomb, Gosse ! »

Il est à nouveau intercepté par des travailleurs chinois qui s'inquiètent pour la petite inanimée.

Béru les rassure :

— It is pas grave, mes sueurs ! Juste une big bosse !

Il poursuit sa marche en marmonant pour lui :

— Reusement qu'avant de fout' le camp j'ai satonné la calbombe des gardes pour leur augmenter leur dose de dorme, autrement sinon y t'ameuteraient déjà la garde ! Ah ! on arrive… Je vois le tas de minerai…

La sueur me colle aux tempes.

Un soupir. Je sens que Béru vient de se délester de sa charge. Ils sont devant la brèche, Un nouveau soupir, émis par Marie-Marie celui-là.

— Tu te réveilles, ma guenille ? demande gentiment Bérurier. Remets-toi pendant que je vas agrandir ce trou. Heureusement qu'il est prévoyant, ton tonton, et qu'y s'a muni d'une cuillère à soupe. Note que toi tu peux te faufiler, mais comme t'es encore plus ou moins dans le sirop, je préfère sortir le premier, commako je t'aiderai à nager…

Et il fox-terre énergiquement.

— Ça va y être, petite… Seulement je veux pas risquer de me prendre un courant à forte pension dans le baigneur, tu comprends ? Pas marrant d'avoir le dargiflard qui crame ! Tu te sens bien, petit bout ?

— J'ai mal à la tête…

— La flotte te retapera… T'as reniflé le gaz, comprends-tu ?

— T'as pu passer ent' les rayons, m'n' onc' ?

— Comme une lettre à la poste !

— Malgré ton gros cul et ta poitrine de pigeon ?

Le Mastar fulmine :

— Ecoute, Marie-Marie, je t'ai déjà exigé la politesse. C'est pas supportable une merdeuse qui vous prend pour un c… ! Est-ce que j' sus impoli, moi, dis mauviette ! C'est pas parce que mam'zelle Chochote sait ouvrir un malheureux coffre-fort qui faut qu'e' se prenne pour la cuisse de Jupiter !

— Tu ferais mieux de creuser, conseille sans s'émouvoir la gredine. D'un moment à l'autre y vont découvrir les gardes et ça risque d'être notre fête ! On se disputera plus tard, m'n' onc' !

Béru reprend ses travaux dé fouisseur. Les raclements de la cuillère dans la terre sèche s'accélèrent.

Mais qu'est-ce qu'ils foutent, les Chinetoques ! Don Enhespez n'a donc pas pu les joindre ?

— V'là le turbin, décrète Bérurier. Je vas me couler par le trou, toi surveilles que je ne touchasse pas le grillage, compris ? Si t'as l'impression que je risque d'accrocher, tu me préviens.

— C'est ton cul qui me fait peur, m'n' onc', murmure pensivement Marie-Marie. T'as mal maigri de là que tu le veux ou pas ! Enfin vas-y toujours.

Une série de geignements. La petite voix mal audible de la môme.

— Tire un peu tes miches à gauche, tonton ! Et rentre-les, bonté divine !.. Ah ! mon pauv' p'pa avait raison quand y disait : « Ce que Bérurier a de plus cul, c'est tout de même son cul ! »

— Il y disait ça, ton père ! grommelle le repteur de son académie.

— Ça et bien d'aut' choses encore !

— En somme y pouvait pas me souffrir, quoi ! lamente le toujours Gros.

— Au contraire, y t'aimait beaucoup. Fais gaffe à ta cuisse droite…

— C'est plein de jolis poissons dans la rivière, fait le Bénévol entre deux ahanements. M' semble que ce sont des ablettes. Ma doué, j'aurais ma canne à pêche, tu verrais ce malheur ! Je parie qu'au chènevis on doit choper tout ce qu'on veut…

— Halte ! hurle une voix.

Elle me paraît plus céleste que le céleste empire, cette voix pourtant impitoyable !

— Revenez ou nous tirons !

— In le baba soupire laconiquement Bérurier à mon intention.

CHAPITRE VI

LA CERISE SUR TOUTE LA LIGNE

— Mon papa voulait juste m'attraper un petit poisson ! gazouille Marie-Marie !

Une claque retentissante arrache un cri à l'enfant.

— Espèce de brute ! Ouistiti Constipé ! clame la souffletée.

Je n'ai pas le privilège d'écouter la suite, non plus que de savourer mon (très relatif et très précaire) soulagement. Tassiépa Sanchez vient de me donner un coup de coude dans les cerceaux.

— Vite ! Vite ! fait-il, jetez les appareils à l'eau !

Déjà il s'est emparé du talkie-walkie (qu'on appelle également walkie-talkie dans les cas graves) et l'a flanqué dans le lac.

Je regarde le bateau qui fonce sur nous ; une vedette basse, ultra-rapide, à la proue de laquelle flotte le drapeau rondubrazien.

— La police ! souffle Tassiépa. Débarrassez-vous vite de l'écouteur.

Ne pouvant me résoudre à rompre toute liaison avec Sa Majesté, au lieu de flanquer mon bitos hyper-sédentaire à projection convexe dans l'eau du Papabezpa, je l'enfouis dans le tas de poissons.

Déjà la vedette est sur nous. Quatre hommes se tiennent à bord : deux policiers rondnbraziens, un chinois en bleu de chauffe et, tenez-vous bien et retenez-moi, l'un des deux pêcheurs Ifoti de tout à l'heure. Je pige illico que ces piroguiers de malheur sont appointés par les Chinetoques de la base pour surveiller cette rive du lac. Ce sont eux qui ont alerté les responsables du camp. Probable que ma qualité d'étranger ne leur a rien dit qui vaille. Et peut-être aussi ont-il aperçu l'un de nos appareils ? En tout cas, cet enfant de sagouin nous désigne de l'index en vitupérant. Le Chinois est grand, maigre et porte des lunettes, ce qui, vous le verrez, n'affecte pas le moins du monde le déroulement de mon histoire. L'un des flics est debout à l'arrière de la vedette et c'est lui qui la tient (la vedette) puisqu'il brandit une mitraillette.

J'écoute les ordres qui nous sont aboyés. Avant même que mon copain Sanchez ne m'ait traduit, j'ai pigé, avec la polyglotte que vous me savez, le sens général de la diatribe. Ces bons messieurs veulent que nous prenions place dans leur embarcation, cependant que le ci-devant piroguier Ifoti s'occupera de la nôtre.

J'ai comme la certitude qu'il va nous arriver, à tous, des Himalayas de désagréments. Voyez-vous, s'il n'y avait dans ce coup-là miss Marie-Marie, je prendrais mon sort en brave, mon mal en patience et mes déboires avec philosophie car je me dirais que notre objectif est atteint. Seulement, le sort de la gamine m'inquiète terriblement.

Un qu'en mène pas plus large quine image pieuse dans un missel, c'est l'ami Tassiépa Sanchez ! Il flageole des montants, le pauvre biques. Ses belles ratiches éclatantes jouent le concerto pour dominos et castagnettes de Glaglate.

— Ils nous accusent d'espionnage, me bredouille le mangeur d'hommes, pardon, le majordome. Nous serons sûrement fusillés avant ce soir.

Le premier, les bras désespérément levés, il passe de notre barque dans la vedette. Le flicard à la mitraillette le fait basculer dans le fond du barlu d'un coup de crosse. A moi, now ! Idem, j'attrape les nuages. Mais chez le gars bibi, fils adoré de Félicie (et de quelques autres dames) il ne s'agit pas d'un geste de soumission, oh que non, mes poules blanches ! Comment qu'il prépare bien ses coups, le San-A. joli ! Ah ! bravo ! Impec ! Chapeau ! Il joint ses deux mains levées, vous mordez bien le topo ? Well ! Puis il grimpe sur le banc central de sa barque afin de se trouver à peu prés à la hauteur de la vedette, toujours O. K. ? Il fait une grande enjambée, feint de tituber, car rien n'est moins stable, vous ne l'ignorez pas que deux embarcations bord à bord sur de la flotte… Déjà, une barque posée sur le sable remue lorsqu'on marche dedans, alors, sur l'eau mouvante du Papabezpa, vous parlez ! Surtout que la brise du soir fait passer un frisson dans les grands bois où sommeillent les chaînes, justement ! Donc, reviens-je-à-mes-moutons-je, je titube au bidon, le plus naturellement possible. Mes deux mains jointes tranchent l'air embaumé et s'abattent comme une cognée sur la nuque de l'homme armé, lequel se démitraillette et s'évanouit aussi sec. Les autres gus n'ont pas encore eu l'étang de piger que déjà le citoyen San-Antonio a cramponné la soufflante. Le Chinois met sa main à sa poche. A toutes fins utiles je l'estourbis d'un coup de crosse. Ce que voyant, le piroguier de mes chères deux demande pardon à genoux. Il implore grâce, Reinier et tous les saints homologués, y compris les seings privés du calendrier. Quant au policier qui tient le gouvernail, il me considère d'un œil extrêmement soucieux.