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— Certainement pas ! je suis allergique aux poils de chien.

— J’ai quelqu’un ; une histoire qui n’occupe pas beaucoup de place dans ma vie, répondit Lauren, mais j’imagine que je trouve une forme d’équilibre à cette situation bancale. Mes horaires de travail ne laissent pas beaucoup de place à d’autre vie que celle de médecin. Être deux réclame beaucoup de temps.

— Eh bien vous voyez, plus le temps passe, et plus je trouve que la solitude, même bien masquée, en fait perdre beaucoup ! Vivre pour son métier ne devrait pas être une finalité en soi.

Lauren appela Kali qui s’éloignait un peu trop. Elle se retourna vers Paul.

— Au regard de la nuit que je viens de passer, je ne suis pas sûre que votre ami partage cet avis. Et puis nous ne sommes pas assez intimes pour poursuivre cette conversation.

— Je suis désolé, je ne voulais pas faire le moralisateur, c’est juste que…

— Que quoi ? l’interrompit Lauren.

— Rien !

Lauren se leva et remercia Paul de la glace qu’il lui avait offerte.

— Je peux vous demander quelque chose ? dit-elle.

— Tout ce que vous voulez.

— Je sais que cela peut paraître cavalier, mais si je pouvais vous appeler de temps à autre pour prendre des nouvelles de mon patient, je n’ai pas le droit d’appeler l’hôpital…

Le visage de Paul s’illumina.

— Pourquoi souriez-vous comme ça ? demanda Lauren.

— Pour rien, je crains que nous ne soyons pas suffisamment intimes pour que ce sujet fasse l’objet d’une conversation entre nous.

Un silence s’installa quelques minutes.

— Appelez-moi quand vous voulez… Vous avez mon numéro !

— Je suis désolée, je l’ai eu par Betty, il était sur la fiche d’admission de votre ami, « personne à contacter en cas d’urgence ».

Paul griffonna celui de son domicile sur le dos d’un reçu de carte bancaire et le tendit à Lauren, elle pouvait le joindre quand bon lui semblait. Elle mit le papier dans la poche de son jean, le remercia et s’éloigna dans l’allée.

— Votre patient s’appelle Arthur Ashby, dit Paul, presque narquois.

Lauren hocha la tête ; elle le salua d’un geste amical et partit retrouver Kali. Dès qu’elle fut assez loin de lui, Paul appela le Memorial Hospital. Il demanda qu’on lui passe le bureau des infirmières du service de neurologie. Il avait un message très important à communiquer au patient de la chambre 307. Il faudrait le lui délivrer dès que possible, même dans la nuit s’il venait à se réveiller.

— Quel est ce message ? interrogea l’infirmière.

— Dites-lui qu’il a fait une touche !

Et Paul raccrocha, heureux. Non loin de lui, une femme le regardait, l’air triste et furieux. Paul reconnut la silhouette qui se levait d’un banc et s’en allait vers la rue. À quelques mètres de lui, Onega héla un taxi. Il courut vers elle, mais ne put la rejoindre avant qu’elle s’engouffre dans un taxi qui s’éloignait déjà.

— Et merde ! dit-il, seul sur le parking de la Marina.

13.

Le bar était presque désert. Dans le fond de la salle, un pianiste jouait une mélodie du Duke. Onega repoussa sa coupe vide et invita le barman à lui resservir un Dry Martini.

— Il est encore un peu tôt pour un troisième verre, non ? demanda le serveur en lui servant sa boisson.

— Tu as des heures pour le malheur, toi ?

— Mes clients viennent plutôt cuver leur chagrin en fin de journée.

— Mais moi je suis ukrainienne, dit Onega en soulevant son verre, et nous avons un culte de la nostalgie avec lequel aucun Occidental ne peut rivaliser. Il faut un talent à l’âme que vous n’avez pas !

Onega abandonna le comptoir et vint s’accouder au piano où le musicien entamait une chanson de Nat King Cole. Elle leva son verre et le but, cul sec. Le pianiste fit signe au barman de la resservir et reprit son refrain. Le bar se peupla au fil des heures. La nuit était tombée quand Paul entra dans l’établissement. Il s’approcha d’Onega, faisant mine d’ignorer qu’elle était déjà ivre.

— L’animal vient se repentir la queue entre les jambes, dit-elle.

— Je croyais qu’à l’Est vous teniez mieux l’alcool.

— Tu n’as cessé de te tromper sur mon compte, alors un peu plus, un peu moins, quelle différence cela fait.

— Je t’ai cherchée partout, reprit-il en la retenant par l’épaule alors qu’elle vacillait sur son tabouret.

— Et tu m’as trouvée, tu as du flair !

— Viens, je te raccompagne.

— Tu n’as pas eu ton saoul de sensations, alors tu viens jouer avec ta poupée russe ; c’est pratique, il te suffit d’ouvrir une des gigognes et de prendre la taille en dessous ?

— Mais qu’est-ce que tu racontes ? Je suis passé chez toi, je t’ai appelée sur ton portable, je suis passé par tous les restaurants dont tu m’avais parlé et je me suis souvenu de cet endroit.

Onega se leva, s’appuyant au comptoir.

— Pour quoi faire, Paul ? Je t’ai vu à la Marina avec cette fille, tout à l’heure. Je t’en supplie, ne me dis pas que ce n’était pas ce que je crois, ce serait terriblement banal et décevant.

— Ce n’était pas ce que tu crois ! Cette femme, c’est Arthur qui l’aime depuis des années.

Onega le dévisagea. Ses yeux brillaient de désespoir.

— Et toi, qui aimes-tu ? dit-elle, fière, en relevant la tête.

Paul déposa quelques billets sur le comptoir et la prit sous son épaule.

— Je crois que je vais être malade, dit Onega en parcourant les quelques mètres de trottoir qui les séparaient de la voiture.

Sur leur gauche, une petite ruelle s’enfonçait dans la nuit. Paul l’y conduisit. Les pavés déglingués brillaient d’un éclat sombre ; un peu plus loin, quelques caisses de bois les mettraient à l’abri des regards indiscrets. Au-dessus d’une grille d’égout, Paul soutenait Onega qui se vidait d’un trop-plein de chagrin. Au dernier soubresaut, il prit un mouchoir de sa poche et lui essuya les lèvres. Onega se redressa, fière et distante.

— Ramène-moi chez moi !

Le cabriolet remontait O’Farell. Cheveux au vent, Onega reprenait des couleurs. Paul roula un long moment, avant de s’arrêter devant le petit immeuble où vivait son amie. Il coupa le moteur et la regarda.

— Je ne t’ai pas menti, dit Paul en brisant le silence.

— Je sais ! murmura la jeune femme.

— Est-ce que tout cela était bien nécessaire ?

— Un jour tu apprendras peut-être à me connaître. Je ne t’invite pas à monter, je ne suis pas en état de te recevoir.

Elle descendit de la voiture et avança vers l’entrée de l’immeuble. Au pas de la porte elle se retourna, brandissant le mouchoir de Paul.

— Je peux le garder ?

— Ne t’en fais pas pour ça, jette-le !

— Chez nous, on ne se débarrasse jamais d’un premier mot d’amour.

Onega entra dans le corridor et gravit l’escalier. Paul attendit que la fenêtre de son appartement s’éclaire, la voiture s’éloigna dans la rue déserte.

*

L’inspecteur Pilguez refermait les boutons de sa veste de pyjama, il se regardait dans le long miroir de la chambre à coucher…

— Il te va très bien, dit Nathalia, je l’ai su dès que je l’ai vu dans la boutique.

— Merci, dit George en l’embrassant sur le nez.

Nathalia ouvrit le tiroir de la table de nuit et en sortit un petit pot en verre et une cuillère.

— George ! dit-elle d’une voix déterminée.

— Oh non ! supplia-t-il.

— Tu avais promis, reprit-elle en forçant la cuillère dans sa bouche.