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Marysa sourit. Elle récupère.

— Regardez dans l’armoire, pour les vêtements de tennis.

Chemugle a décidément le compas dans l’œil, car ses shorts me vont comme un gant, ses polos idem, et jusqu’à ses godasses. Un rêve !

Je redescends le premier. Les messieurs discutent, scotch en main.

Ils parlent chasse.

— Je suis votre homme ! dis-je au mari, après avoir prouvé à l’épouse que cette déclaration la concernait aussi.

— Je vais chercher des raquettes, vous choisirez !

— Je m’en vais m’en aller, déclare son ami Kidordine en présentant sa dextre à serrer.

Béru lui claque les endosses car ils ont sympathisé, pendant mon absence.

— Ménage-toi, Riri, lui dit-il. Et c’est promis : si qu’on passe par La Chaux-de-Pise en rentrant, on va te serrer la pince à sucre !

— Pas La Chaux-de-Pise, La Chaux-de-Fonds ! rectifie le montreur. Tu te rappelleras l’adresse, Alexandre ?

— Rue du Quatrième-Top, je peux pas me gourer, mon pote !

L’industriel part. Nous restons seuls, le Gros et moi.

— Vous vous connaissiez ? m’étonné-je.

— Pas du tout, rigole le Gros ; mais on a fait chmolitz, les deux !

— Qu’est-ce que c’est que cette bête ?

Il verse deux whiskies carabinés.

— Tiens, cramponne, on se plie le coude et on boit. Après on est forcé de se tutoyer, c’est sympa comme coutume, non ?

Je remarque que mon ami souffre d’un début de biture très avancé.

— Stoppe la biberonnanche, Gros, c’est pas le moment de te blinder.

— Je me blinde pas ! proteste l’Hénorme avec cette délicieuse mauvaise foi des ivrognes.

— T’as déjà les carreaux qui se dévissent…

— T’es bon, je bois des scotch sans avoir rien dans le bide, mon pote ! Je me sens devenir le fakir Bey-Rû à une vitesse super-conique. Tel que je te cause, j’ai déjà dû larguer un kilo depuis qu’on se trémousse sans refaire du carburant !

— Avec l’autonomie dont tu disposes, ça n’a encore rien d’inquiétant.

Il me pousse du coude en matant ma tenue.

— Dis, chef vénéré, qu’est-ce que t’as branlé là-haut ?

— Personne, affirmé-je, car c’est l’expression même de la vérité.

— Vingt minutes pour enfiler un short ! Tu me prends pour un pigeon de lait ! Y a pas que le short…

— Brisons là, messire ! m’emporté-je, je suis un gentleman pour qui l’honneur d’une femme est sacré. Mais trêve de billevesées, pendant que je vais tenniser avec M. Chemugle, tu vas foncer au bourg et téléphoner à l’Agence Éden-Côte d’Azur d’Antibes…

— Pour dire quoi t’est-ce ?

— Pour demander à la vieille si c’est Chemugle en personne, tu m’entends bien ? EN PERSONNE ? qui lui a loué la villa Rio Negro et lui a rendu les clés ce matin.

Le retour de mon hôte, bardé de raquettes, met fin à l’entretien.

CHAPITRE II

Dès les premiers échanges, je comprends que je ne suis pas de force.

Il doit être au moins première série, Chemugle, pour jouer pareillement. Il a des engagements foudroyants. La balle est plus vive que mes réflexes, le temps de lui voir lever sa pelle à gâteau et déjà elle me siffle aux manettes.

Je me fais torcher en deux sets et si je gagne un jeu, c’est uniquement parce qu’il est bon hôte et ne tient pas à m’humilier.

Une plombe plus tard, je ressors du court la tête basse et la queue entre les jambes. Y a une justice, mes fils. Vous ne voudriez tout de même pas que je lui carambole sa madame et qu’en plus je le pulvérise au tennis !

— C’est vrai, vous avez un bon coup droit, me félicite-t-il.

— Ne plaisantez pas, cher monsieur, de grâce !

Tandis qu’on s’éponge, je gamberge au marrant de l’existence. Quand l’homme le désire, sa vie est variée. On peut en faire des trucs, en peu de temps, si on y met du sien. Songez qu’hier afternoon seulement je m’annonçais à Cannes. On me montre une fille en me disant : c’est pas une fille, c’est l’ennemi public international numéro 1, butez-le. Je bute ! Une fille, erreur sur la personne. Passe-passe ! Mystère… Sa femme de chambre ? Noyée chez le monsieur qui téléphona dans la nuit. Je veux savoir le blaze du quidam : Chemugle, Suisse ! Je reviens à la villa : cadavre disparu, mon général ! Je fonce à Neuchâtel. Le cher M. Chemugle, jusqu’à plus z’ample informé, n’a pas quitté son pays. Il joue au tennis pendant que Madame se farcit tout ce qui passe à portée de slip. Tout ça en quelques heures, c’est vertigineux !

Un cauchemar de fées[6]. Je tue, je brosse, je m’évertue. Béru à mon réveil, cadeau du matin…

Cette Hyène, tout de même, ça fait rocambolesque, vous ne trouvez pas ? Le Vieux m’aurait pas jeté sur le chantier de naguère, et je n’aurais pas confiance en lui, je me dirais, c’est une invention journaleuse. Mais pourtant… Bon, admettons, l’Hyène, croyons en son pouvoir et en ses audaces d’un autre temps, mais dans cette affaire, elle cherchait quoi ? Faire liquider Patricia Sam-Hart ? Comme si ce prince des ténèbres avait besoin de monter tout un circus vaseux pour amener un flic français à effacer la riche Américaine ; comme s’il n’était pas assez grand assassin lui-même pour exécuter son programme. Quoi de plus fastoche à bousiller qu’une bergère ? La preuve, moi, cette nuit, en improvisant, j’ai réussi le crime parfait puisque, d’emblée, on a cru au suicide. Alors, pour un professionnel du meurtre disposant d’énormes moyens… Et quel besoin il aurait eu de se transformer en Patricia, m’sieur l’Hyène ? C’est là que je renâcle, mes amis. Au début du siècle, il y avait des flopées de bouquins où on voyait Fantômas et ses confrères se glisser dans n’importe quelle personnalité : devenir savant, vamp, de Funès, exécuteur des hautes œuvres, chef de gare, garnement, mendigot, gaulliste ou histrion (ce qui est un comble).

C’est un magicien, ou quoi, l’Hyène ? La fée Carabosse ? L’enchanteur Merlin ? Il a une écurie de balais de course ! Un aérodrome pour tapis volants ! Il se parfume au soufre ! Et sa baguette magique, il se la carre dans la braguette ? Non, mais dites-moi, je veux savoir, j’accepte les avis autorisés, même ceux des amis motorisés. J’ai le caberlot qui bat la campagne. Ça nuage sous ma coiffe. Ça tempête sous mon crâne.

— Vous paraissez préoccupé, cher monsieur ? enregistre mon adversaire heureux au jeu (et sûrement itou en amour, car qu’existe-t-il de plus heureux au monde qu’un supercornard ?).

— Je m’étonne de n’avoir pas revu mon associé, fais-je, cependant que nous regagnons la demeure.

Il fait beau, la pelouse verdoie, le ciel bleuoie et je merdoie.

— Où est-il allé, sans indiscrétion ?

— Se mettre en quête d’une chambre au bourg, car le pays me plaît et j’ai décidé d’y passer la nuit.

— Si vous restez au pays, vous dormirez à la maison, décide Chemugle, je vous invite également à dîner naturellement.

— Je n’oserais jamais accepter votre accueil si chaleureux…

— Allons, allons, ça nous fera plaisir, à Marysa et à moi, d’autant plus que vous n’avez pas encore eu le temps de m’exposer votre programme de distribution. Je vous ai lancé un défi d’entrée.

— Que j’ai eu la témérité de relever, dis-je piteusement…

On badine avec l’humour, mais moi je commence à me tracasser à propos de l’Enflure. Voilà plus d’une plombe qu’il a disparu. Notez que si les téléphones ne marchent pas mieux qu’en France…

Je me change et, de retour au salon, comme mon compère n’a pas refait surface, je dis que je vais aller le récupérer.

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6

Car il n’y a pas que des contes de fées ; si vous me prouvez le contraire, je vous offre la Perrault.