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— Commissaire San-Antonio, récite-t-elle, d’une voix vexante, car elle est dénuée de toute admiration.

— Qui vous l’a appris ?

— Les deux bonshommes grotesques qui vous ont accompagné ici.

J’ai une bouffée d’espoir.

— Où sont-ils ?

— Aux mains des Ossoboukos… s’ils y sont encore !

Mon espoir retombe.

— Expliquez.

— Des Noirs avec lesquels je suis en bons termes les ont livrés clandestinement à ces féroces guerriers en leur disant que vos hommes étaient les conseillers de Bavitavokavu, leur plus farouche ennemi.

La garce ! C’en est fini de mes chers amis. Deux existences exemplaires, deux carrières dignes des loges, qui sont venues bêtement s’achever au cœur de la brousse congolaise !

J’en ai la gorge qui se noue, le cœur qui se met en circuit fermé, la pression artérielle qui s’affaisse.

— Nous allons y revenir dans un instant, affirmé-je, auparavant, comme disent les Chinois, je voudrais l’histoire du diam, considérée avec votre optique à vous. À quoi bon vous enfermer dans un mutisme ridicule ? En parlant, vous pouvez me permettre au contraire d’aplanir certaines difficultés. Vous êtes épouse de diplomate, un scandale n’arrangerait personne.

Elle réfléchit. Je crois qu’elle va me donner un ticket d’accès pour les bains turcs, mais vous savez comment sont les bonnes femmes ? Quand elles mettent leur clignotant à gauche, elles tournent à droite.

— Pourquoi pas ? fait-elle. D’accord, commissaire, je vais tout vous dire…

« Vous n’auriez pas une cigarette ?

Je lui file une cousue, la lui allume, et attends. Ça vient vite.

— Voici deux ans, j’ai fait la connaissance d’un fonctionnaire de l’ambassade américaine et je suis devenue sa maîtresse.

— Un attaché d’embrassade, ricané-je. Était-ce James Hadley ?

— Oui.

— Touchant : l’idylle Occident-Orient. Les Capulet et les Montaigu, quoi.

— Nous voulions faire notre vie ensemble en Amérique du Sud. Le rêve de James, c’était de faire de l’élevage au Brésil…

Elle a une sorte de sanglot larvé qu’elle réprime et surmonte.

— Seulement nous étions pauvres et nous voulions de l’argent pour vivre notre amour.

— Alors lorsqu’Estella Van Danléwal vous a raconté comment son bonhomme à elle avait solutionné le même problème, vous avez eu l’idée de voler ce fameux diamant clandestin. L’idéal, c’est que son possesseur ne pouvait pas alerter les autorités, non ?

— Vous savez en effet beaucoup de choses, apprécie Maria en expulsant de ses éponges un goulanche de fumaga.

— Vous êtes venus au Congo, James et vous, riches des explications fournies par Estella, laquelle, soit dit entre nous et l’armoire à glace, m’a l’air d’être une superbe tête de linotte, vous avez fini par mettre la main sur le caillou ?

— Oui, James y est parvenu en faisant pression sur la mère de Brasseton lors d’un voyage que ce dernier fit à Léopoldville.

Bing, tout s’éclaire. Je pige pourquoi la vieille a piqué sa crise de folie homicide ce soir. Elle a reconnu son tourmenteur qui avait fauché le diam et l’a tué.

— Continuez, Maria.

— Une fois en possession de la pierre qui est absolument remarquable, nous nous sommes crus tirés d’affaire. Mais il est malaisé de vendre une pierre pareille. Les joailliers sont gens méfiants qui posent trop de questions indiscrètes.

« Nos démarches furent longues et incertaines. Nous tenions à la discrétion, comprenez-vous ?

Elle tète goulûment sa cigarette comme si elle tenait absolument à enfumer l’intérieur de la Mercédès.

— Allez-y, je vous écoute.

— Je pense qu’elles nous firent repérer, malgré les précautions que nous prîmes. Toujours est-il que la semaine dernière, James Hadley reçut la visite de Brasseton.

— Bigre !

— C’était James qui détenait le diamant. Brasseton paraissait au courant de beaucoup de choses. Il menaça mon amant des pires calamités si celui-ci ne lui restituait pas son bien.

— Alors ?

— Alors James eut peur pour moi et il rendit le diamant.

— Fin du second épisode, fais-je, c’est plus passionnant qu’un film sur le torticolis de la girafe à travers les siècles, continuez…

— Lorsque James m’apprit qu’il avait cédé, j’ai cru devenir folle. Nous avions trouvé un acheteur pour la pierre. Il nous en proposait une somme astronomique et voilà que tout s’écroulait. J’ai décidé que nous repartirions à la conquête de cette gemme qui nous avait déjà coûté tant de tracas et d’argent.

— C’est alors que vous avez tué Brasseton ?

Elle se crispe et ôte lentement sa cigarette de sa bouche. Puis elle me détronche avec une application bizarre.

— Que racontez-vous là ?

— Je raconte que Jean Brasseton est décédé à son domicile parisien d’un coup de hallebarde dans le buffet, ma chérie, c’est même à cause de cela que je suis ici.

Maria secoue la tête.

— Mais, James m’a dit qu’il s’était renseigné et que Brasseton était retourné au Congo. Il prétendait même l’avoir vu à l’aéroport…

— C’est que James vous a berlurée, ma choute. Mais poursuivez, c’est trop captivant.

— Nous sommes revenus ici. Nous nous sommes renseignés pour savoir où était Brasseton, James a appris qu’il était à Stanley-ville.

Vous ne trouvez pas, vous autres, les décoiffés du bulbe, que le Hadley se comportait bizarrement avec sa souris polak ? Moi si. Elle continue pourtant.

— Nous avions décidé d’agir ce soir, mais vous êtes intervenu et j’ai pris peur.

— Au Guest House, vous avez dit à James d’aller fouiller ma chambre ?

— Oui.

— Et il vous a téléphoné pour vous annoncer que je n’étais pas franco.

— Il m’a dit que vous étiez un flic. Il a trouvé dans vos bagages des papiers de police.

— C’est ce qu’il vous a dit ?

— Oui.

— Alors il vous a menti. Les papiers de police je les avais sur moi. Ce qu’il a trouvé dans ma chambre, c’étaient de fausses pièces d’identité que j’avais prélevées sur le cadavre de Brasseton. Avez-vous entendu parler d’un dénommé Hans Sufler, Maria ?

Elle blêmit.

— Je crois que c’était…

— Oui ?

— Les faux papiers que James s’était fait fabriquer pour partir au Brésil. Il voulait faire peau neuve…

— La preuve qu’il vous menait en bateau est donc faite. Il n’a pas rendu le diamant à Brasseton et a tué ce dernier. Pour retarder les recherches, il lui a pris ses papiers et a mis à leur place les faux qu’il se destinait. De cette façon, la police, lorsqu’elle trouverait le cadavre, partirait sur une fausse piste et il faudrait du temps pour découvrir la vérité. Pas mal…

— Mais pourquoi m’a-t-il menti ?

— Je vais vous le dire, ma gosse : il voulait bien refaire sa vie, mais sans vous.

— Alors pourquoi est-il revenu au Congo avec moi ?

— L’Afrique est juste en face de l’Amérique du Sud.

Elle jette sa cigarette à demi consumée.

— Ce n’est pas possible !

— Un combinard, votre Roméo, Juliette. Il avait son plan, croyez-moi. Alors ce soir vous êtes retournés chez Brasseton.

Elle acquiesce et se masque le visage.

— C’a été affreux.

— Comment êtes-vous entrés ? Il y a le guépard.

— Il était enfermé lorsque nous sommes arrivés. Le domestique nous a ouvert. James avait un revolver… Il a…

— Il l’a fait monter dans sa chambre et l’a abattu ?