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– Ah! Paris, qu'il profère d'un ton encourageant, quelle belle ville. Regarde-moi ça si c'est beau.

– Je m'en fous, dit Zazie, moi ce que j'aurais voulu c'est aller dans le métro.

– Le métro! beugle Gabriel, le métro!! mais le voilà!!!

Et, du doigt, il désigne quelque chose en l'air. Zazie fronce le sourcil. Essméfie.

– Le métro? qu'elle répète. Le métro, ajoute-t-elle avec mépris, le métro, c'est sous terre, le métro. Non mais.

– Çui-là, dit Gabriel, c'est l'aérien.

– Alors, c'est pas le métro.

– Je vais t'esspliquer, dit Gabriel. Quelquefois, il sort de terre et ensuite il y rerentre.

– Des histoires.

Gabriel se sent impuissant (geste), puis, désireux de changer de conversation, il désigne de nouveau quelque chose sur leur chemin.

– Et ça! mugit-il, regarde!! le Panthéon!!!

– Qu'est-ce qu'il faut pas entendre, dit Charles sans se retourner.

Il conduisait lentement pour que la petite puisse voir les curiosités et s'instruise par-dessus le marché.

– C'est peut-être pas le Panthéon? demanda Gabriel.

Il y a quelque chose de narquois dans sa question.

– Non, dit Charles avec force. Non, non et non, c'est pas le Panthéon.

– Et qu'est-ce que ça serait alors d'après toi?

La narquoiserie du ton devient presque offensante pour l'interlocuteur qui, d'ailleurs, s'empresse d'avouer sa défaite.

– J'en sais rien, dit Charles.

– Là. Tu vois.

– Mais c'est pas le Panthéon.

C'est que c'est un ostiné, Charles, malgré tout.

– On va demander à un passant, propose Gabriel.

– Les passants, réplique Charles, c'est tous des cons.

– C'est bien vrai, dit Zazie avec sérénité.

Gabriel n'insiste pas. Il découvre un nouveau sujet d'enthousiasme.

– Et ça, s'exclame-t-il, ça c'est…

Mais il a la parole coupée par une euréquation de son beau-frère.

– J'ai trouvé, hurle celui-ci. Le truc qu'on vient de voir, c'était pas le Panthéon bien sûr, c'était la gare de Lyon.

– Peut-être, dit Gabriel avec désinvolture, mais maintenant c'est du passé, n'en parlons plus, tandis que ça, petite, regarde-moi ça si c'est chouette comme architecture, c'est les Invalides…

– T'es tombé sur la tête, dit Charles, ça n'a rien à voir avec les Invalides.

– Eh bien, dit Gabriel, si c'est pas les Invalides, apprends-nous cexé.

– Je sais pas trop, dit Charles, mais c'est tout au plus la caserne de Reuilly.

– Vous, dit Zazîe avec indulgence, vous êtes tous les deux des ptits marants.

Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé sans peine dans son répertoire, si ça te plaît de voir vraiment les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t'y conduirai.

– Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m'intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con.

– Qu'est-ce qui t'intéresse alors?

Zazie répond pas.

– Oui, dit Charles avec une gentillesse inattendue, qu'est-ce qui t'intéresse?

– Le métro.

Gabriel dit: ah. Charles ne dit rien. Puis, Gabriel reprend son discours et dit de nouveau: ah.

– Et quand est-ce qu'elle va finir, cette grève? demande Zazie en gonflant ses mots de férocité.

– Je sais pas, moi, dit Gabriel, je fais pas de politique.

– C'est pas de la politique, dit Charles, c'est pour la croûte.

– Et vous, msieu, lui demande Zazie, vous faites quelquefois la grève?

– Bin dame, faut bien, pour faire monter le tarif.

– On devrait plutôt vous le baisser, votre tarif, avec une charrette comme la vôtre, on fait pas plus dégueulasse. Vous l'avez pas trouvée sur les bords de la Marne, par hasard?

– On est bientôt arrivé, dit Gabriel conciliant. Voilà le tabac du coin.

– De quel coin? demande Charles ironiquement.

– Du coin de la rue de chez moi où j'habite, répond Gabriel avec candeur.

– Alors, dit Charles, c'est pas çui-là.

– Comment, dit Gabriel, tu prétendrais que ça ne serait pas celui-là?

– Ah non, s'écrie Zazie, vous allez pas recommencer.

– Non, c'est pas celui-là, répond Charles à Gabriel.

– C'est pourtant vrai, dit Gabriel pendant qu'on passe devant le tabac, celui-là j'y suis jamais allé.

– Dis donc, tonton, demande Zazie, quand tu déconnes comme ça, tu le fais esprès ou c'est sans le vouloir?

– C'est pour te faire rire, mon enfant, répond Gabriel.

– T'en fais pas, dit Charles à Zazie, il le fait pas exeuprès.

– C'est pas malin, dit Zazie.

– La vérité, dit Charles, c'est que tantôt il le fait exeuprès et tantôt pas.

– La vérité! s'écrie Gabriel (geste), comme si tu savais cexé. Comme si quelqu'un au monde savait cexé. Tout ça (geste), tout ça c'est du bidon: le Panthéon, les Invalides, la caserne de Reuilly, le tabac du coin, tout. Oui, du bidon.

Il ajoute, accablé:

– Ah là là, quelle misère!

– Tu veux qu'on s'arrête pour prendre l'apéro? demande Charles.

– C'est une idée.

– A La Cave?

– A Saint-Germain-des-Prés? demande Zazie qui déjà frétille.

– Non mais, fillette, dit Gabriel, qu'est-ce que tu t'imagines? C'est tout ce qu'il y a de plus démodé.

– Si tu veux insinuer que je suis pas à la page, dit Zazie, moi je peux te répondre que tu n'es qu'un vieux con.

– Tu entends ça? dit Gabriel.

– Qu'est-ce que tu veux, dit Charles, c'est la nouvelle génération.

– La nouvelle génération, dit Zazie, elle t'…

– Ça va, ça va, dit Gabriel, on a compris. Si on allait au tabac du coin?

– Du vrai coin, dit Charles.

– Oui, dit Gabriel. Et après tu restes dîner avec nous.

– C'était pas entendu?

– Si.

– Alors?

– Alors, je confirme.

– Y a pas à confirmer, puisque c'était entendu.

– Alors, disons que je te le rappelle des fois que t'aurais oublié.

– J'avais pas oublié.

– Tu restes donc dîner avec nous.

– Alors quoi, merde, dit Zazie, on va le boire, ce verre?

Gabriel s'extrait avec habileté et souplesse du tac. Tout le monde se retrouve autour d'une table, sur le trottoir. La serveuse s'amène négligemment. Aussitôt Zazie esprime son désir:

– Un cacocalo, qu'elle demande.

– Y en a pas, qu'on répond.

– Ça alors, s'esclame Zazie, c'est un monde.

Elle est indignée.

– Pour moi, dit Charles, ça sera un beaujolais.

– Et pour moi, dit Gabriel, un lait-grenadine. Et toi? demande-t-il à Zazie.

– Jl'ai déjà dit; un cacocalo.

– Elle a dit qu'y en avait pas.

– C'est hun cacocalo que jveux.

– T'as beau vouloir, dit Gabriel avec une patience estrême, tu vois bien qu'y en a pas.

– Pourquoi que vous en avez pas? Demande Zazie à la serveuse.

– Ça (geste).

– Un demi panaché, Zazie, propose Gabriel, ça ne te dirait rien?

– C'est hun cacocalo que jveux et pas autt chose.

Tout le monde devient pensif. La serveuse se gratte une cuisse.

– Y en a à côté, qu'elle finit par dire. Chez l'Italien.

– Alors, dit Charles, il vient ce beaujolais?

On va le chercher. Gabriel se lève, sans commentaires. Il s'éclipse avec célérité, bientôt revenu avec une bouteille du goulot de laquelle sortent deux pailles. Il pose ça devant Zazie.

– Tiens, petite, dit-il d'une voix généreuse.

Sans mot dire, Zazie prend la bouteille en main et commence à jouer du chalumeau.

– Là, tu vois, dit Gabriel à son copain, c'était pas difficile. Les enfants, suffit de les comprendre.

II

– C'est là, dit Gabriel.

Zazie examine la maison. Elle ne communique pas ses impressions.