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– Alors, tonton? on fait recette?

– Comme tu vois, répondit Gabriel avec satisfaction.

Zazie haussa les épaules et regarda le public. Elle n'y vit point Charles et le fit remarquer.

– Il s'est tiré, dit Gabriel.

– Pourquoi?

– Pour rien.

– Pour rien, c'est pas une réponse.

– Oh bin, il est parti comme ça.

– Il avait une raison.

– Tu sais, Charles, (geste)

– Tu veux pas me le dire?

– Tu le sais aussi bien que moi.

Un voyageur intervint:

– Maie bonas horas collocamua si non dicis isti puellae thé reason why this man Charles went away.

– Mon petit vieux, lui répondit Gabriel, mêle-toi de tes cipolles. She knows why and she bothers me quite a lot.

– Oh! mais, s'écria Zazie, voilà maintenant que tu sais parler les langues forestières.

– Je ne l'ai pas fait esprès, répondit Gabriel en baissant modestement les yeux.

– Most interesting, dit un des voyageurs.

Zazie revint à son point de départ.

– Tout ça ne me dit pas pourquoi charlamilébou.

Gabriel s'énerva.

– Parce que tu lui disais des trucs qu'il comprenait pas. Des trucs pas de son âge.

– Et toi, tonton Gabriel, si je te disais des trucs que tu comprendrais pas, des trucs pas de ton âge, qu'est-ce que tu ferais?

– Essaie, dit Gabriel d'un ton craintif.

– Par egzemple, continua Zazie impitoyable, si je te demandais t'es un hormosessuel ou pas? est-ce que tu comprendrais? Ça serait-i de ton âge?

– Most interesting, dit un voyageur (le même que tout à l'heure).

– Pauvre Charles, soupira Gabriel.

– Tu réponds, oui ou merde, cria Zazie. Tu comprends ce mot-là: hormosessuel?

– Bien sûr, hurla Gabriel, veux-tu que je te fasse un dessin?

La foule intéressée approuva. Quelques-uns applaudirent.

– T'es pas chiche, répliqua Zazie.

C'est alors que Fédor Balanovitch fit son apparition.

– Allons grouillons! qu'ilse mit à gueuler. Schnell! Schnell! remontons dans le car et que ça saute.

– Where are we going now?

– A la Sainte-Chapelle, répondit Fédor Balanovitch. Un joyau de l'art gothique. Allons grouillons! Schnell! Schnell!

Mais les gens grouillaient pas, fortement intéressés par Gabriel et sa nièce.

– Là, disait celle-ci à celui-là qui n'avait rien dessiné, tu vois que t'es pas chiche.

– Ce qu'elle peut être tannante, disait celui-là.

Fédor Balanovitch, remonté de confiance à son bord, s'aperçut qu'il n'avait été suivi que par trois ou quatre minus.

– Alors quoi, beugla-t-il, y a pus de discipline? Qu'est-ce qu'ils foutent, bon dieu!

Il donna quelques coups de claqueson. Ça ne fit bouger personne. Seul, un flic, préposé aux voies du silence, le regarda d'un œil noir. Comme Fédor Balanovitch ne souhaitait pas engager un conflit vocal avec un personnage de cette espèce, il redescendit de sa guérite et se dirigea vers le groupe de ses administrés afin de se rendre compte de ce qui pouvait les entraîner à l'insubordination.

– Mais c'est Gabriella, s'esclama-t-il. Qu'est-ce que tu fous là?

– Chtt chtt, fit Gabriel cependant que le cercle de ses admirateurs s'enthousiasmait naïvement au spectacle de cette rencontre.

– Non mais, continuait Fédor Balanovitch, tu ne vas tout de même pas leur faire le coup de La Mort du cygne en tutu?

– Chht chht, fit de nouveau Gabriel très à court de discours.

– Et qu'est-ce que c'est que cette môme que tu trimbales avec toi? où que tu l’as ramassée?

– C'est ma nièce et tâche a voir de respecter ma famille même mineure.

– Et lui, qui c'est? demanda Zazie.

– Un copain, dit Gabriel. Fédor Balanovitch.

– Tu vois, dit Fêdor Balanovitch à Gabriel, je ne fais plus le bâille-naïte, je me suis élevé dans la hiérarchie sociale et j'emmène tous ces cons à la Sainte-Chapelle.

– Tu pourrais peut-être nous rentrer à la maison. Avec cette grève des transtrucs en commachin, on peut plus rien faire de ce qu'on veut. Y a pas un tac à l'horizon.

– On va pas déjà rentrer, dit Zazie.

– De toute façon, dit Fédor Balanovitch, faut qu'on passe d'abord la Sainte-Chapelle avant que ça ferme. Ensuite, ajouta-t-il à l'intention de Gabriel, c'est possible que je te rentre chez toi.

– Et c'est intéressant, la Sainte-Chapelle? demanda Gabriel.

– Sainte-Chapelle! Sainte-Chapelle! telle fut la clameur touriste et ceux qui la poussèrent, cette clameur touriste, entraînèrent Gabriel vers le car dans un élan irrésistible.

– Il leur a tapé dans l'œil, dit Fédor Balanovitch à Zazie restée comme lui en arrière.

– Faut tout de même pas, dit Zazie, s'imaginer que je vais me laisser trimbaler avec tous ces veaux.

– Moi, dit Fédor Balanovitch, je m'en fous.

Et il remonta devant son volant et son micro, utilisant aussitôt ce dernier instrument:

– Allons grouillons! qu'il haut-parlait jovialement. Schnell! Schnell!

Les admirateurs de Gabriel l'avaient déjà confortablement installé et, munis d'appareils adéquats, mesuraient le poids de la lumière afin de lui tirer le portrait avec des effets de contre-jour. Bien que toutes ces attentions le flattassent, il s'enquit cependant du destin de sa nièce. Ayant appris de Fédor Balanovitch que la dite se refusait à suivre le mouvement, il s'arrache au cercle enchanté des xénophones, redescend et se jette sur Zazie qu'il saisit par un bras et entraîne vers le car.

Les caméras crépitent.

– Tu me fais mal, glapissait Zazie folle de rage.

Mais elle fut elle aussi emportée vers la Sainte-Chapelle par le véhicule aux lourds pneumatiques.

IX

– Ouvrez grand vos hublots, tas de caves, dit Fédor Balanovitch. A droite vous allez voir la gare d'Orsay. C'est pas rien comme architecture et ça peut vous consoler de la Sainte-Chapelle si on arrive trop tard ce qui vous pend au nez avec tous ces foutus encombrements à cause de cette grève de mes deux.

Communiant dans une incompréhension unanime et totale, les voyageurs béèrent. Les plus fanatiques d'entre eux n'avaient d'ailleurs fait aucune attention aux grognements du haut-parleur et, grimpés à contresens sur les sièges, ils contemplaient avec émotion l'archiguide Gabriel. Il leur sourit. Alors, ils espérèrent.

– Sainte-Chapelle, qu'ils essayaient de dire. Sainte-Chapelle…

– Oui, oui, dit-il aimablement. La Sainte-Chapelle (silence) (geste) un joyau de l'art gothique (geste) (silence).

– Recommence pas à déconner, dit aigrement Zazie.

– Continuez, continuez, crièrent les voyageurs en couvrant la voix de la petite. On veut ouïr, on veut ouïr, ajoutèrent-ils en un grand effort berlitzscoulien.

– Tu vas tout de même pas te laisser faire, dit Zazie.

Elle lui prit un morceau de chair à travers l'étoffe du pantalon, entre les ongles, et tordit méchamment. La douleur fut si forte que de grosses larmes commencèrent à couler le long des joues de Gabriel. Les voyageurs qui, malgré leur grande expérience du cosmopolitisme, n'avaient encore jamais vu de guide pleurer, s'inquiétèrent; analysant ce comportement étrange, les uns selon la méthode déductive, les autres selon l'inductive, ils conclurent à la nécessité d'un pourliche. Une collecte fut faite, on la posa sur les genoux du pauvre homme, dont le visage redevint souriant plus d'ailleurs par cessation de souffrance que par gratitude, car la somme n'était pas considérable.