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– C'est pourtant vrai. Alors pour moi ce sera un beaujolais.

On trinque.

– A vos crampettes légitimes, dit Turandot.

– Merci, répond Charles en s'essuyant la bouche avec sa casquette.

Il ajoute que c'est pas tout ça, faut qu'il aille prévenir Marceline.

– Te fatigue pas, mon chou, dit Madeleine, jvais y aller.

– Qu'est-ce que ça peut lui foutre que tu te maries ou pas? dit Turandot. Elle attendra bien demain pour le savoir.

– Marceline, dit Charles, c'est encore autre chose. Y a Gabriel qu'a gardé la Zazie avec lui et qui nous invite tous et toi aussi à venir s'en jeter un en le regardant faire son numéro. S'en jeter un et j'espère bien plusieurs.

– Bin, dit Turandot, t'es pas dégoûté. Tu vas haller dans une boîte de pédales pour célébrer tes fiançailles? Bin, je le répète, t'es pas dégoûté.

– Tu causes, tu causes, dit Laverdure, c'est tout ce que tu sais faire.

– Vous disputez pas, dit Madeleine, moi jvais prévenir madame Marceline et m'habiller chouette pour faire honneur à notre Gaby.

Elle s'envole. A l'étage second parvenue, sonne à la porte la neuve fiancée. Une porte sonnée d'aussi gracieuse façon ne peut faire autre chose que s'ouvrir. Aussi la porte en question s'ouvre-t-elle.

– Bonjour, Mado Ptits-pîeds, dit doucement Marceline.

– Eh bin voilà, dit Madeleine en reprenant sa respiration laissée un peu à l'abandon dans les spires de l'escalier.

– Entrez donc boire un verre de grenadine, dit doucement Marceline en l'interrompant.

– C'est qu'il faut que je m'habille.

– Je ne vous vois point nue, dit doucement Marceline.

Madeleine rougit.

Marceline dit doucement:

– Et ça n'empêcherait pas le verre de grenadine, n'est-ce pas? Entre femmes…

– Tout de même.

– Vous avez l'air tout émue.

– Jviens de me fiancer. Alors vous comprenez.

– Vous n'êtes pas enceinte?

– Pas pour le moment.

– Alors vous ne pouvez pas me refuser un verre de grenadine.

– Ce que vous causez bien.

– Je n'y suis pour rien, dit doucement Marceline en baissant les yeux. Entrez donc.

Madeleine susurre encore des politesses confuses et entre. Priée de s'asseoir, elle le fait. La maîtresse de céans va quérir deux verres, une carafe de flotte et un litron de grenadine. Elle verse ce dernier liquide avec précaution, assez largement pour son invitée, juste un doigt pour elle.

– Je me méfie, dit-elle doucement avec un sourire complice. Puis elle dilue le breuvage qu'elles supent avec des petites mines.

– Et alors? demande doucement Marceline,

– Eh bien, dit Madeleine, meussieu Gabriel a téléphoné qu'il emmenait la petite à sa boîte pour le voir faire son numéro, et nous deux avec, Charles et moi, pour fêter nos fiançailles.

– Parce que c'est Charles?

– Autant lui qu'un autre. Il est sérieux et puis, on se connaît.

Elles continuaient à se sourire.

– Dites-moi, madame Marceline, dit Madeleine, quelle pelure dois-je mettre?

– Bin, dit doucement Marceline, pour des fiançailles, c'est le blanc moyen qui s'impose avec une touche de virginal argenté.

– Pour le virginal, vous rpasserez, dit Madeleine.

– C'est ce qui se fait.

– Même pour une boîte de tapettes?

– Ça ne fait rien à la chose.

– Oui mais oui mais oui mais, si j'en ai pas moi de robe blanc moyen avec une touche de virginal argenté ou même simplement un tailleur deux-pièces salle de bains avec un chemisier porte-jarretelles cuisine, eh! qu'est-ce que je ferai? Non mais, dites-moi dites, qu'est-ce que je ferai?

Marceline baissa la tête en donnant les signes les plus manifestes de la réflexion.

– Alors, qu'elle dit doucement, alors dans ce cas-là pourquoi ne mettriez-vous pas votre veste amarante avec la jupe plissée verte et jaune que je vous ai vue un jour de bal un quatorze juillet.

– Vous me l'avez remarquée?

– Mais oui, dit doucement Marceline, je vous l'ai remarquée (silence). Vous étiez ravissante.

– Ça c'est gentil, dit Madeleine. Alors comme ça vous faites attention à moi, des fois?

– Mais oui, dit doucement Marceline.

– Passque moi, dit Madeleine, passque moi, je vous trouve si belle.

– Vraiment? demanda Marceline avec douceur.

– Ça oui, répondit Mado avec véhémence, ça vraiment oui. Vous êtes rien bath. Ça me plairait drôlement d'être comme vous. Vzêtes drôlement bien roulée. Et d'une élégance avec ça.

– N'exagérons rien, dit doucement Marceline.

– Si si si, vzêtes rien bath. Pourquoi qu’on vous voit pas plus souvent? (silence). On aimerait vous voir plus souvent. Moi (sourire) j'aimerais vous voir plus souvent.

Marceline baissa les yeux et rosit doucement.

– Oui, reprit Madeleine, pourquoi qu'on vous voit pas plus souvent, vous qu'êtes en si rayonnante santé que je me permets de vous le signaler et si belle par-dessus le marché, oui pourquoi?

– C'est que je ne suis pas d'humeur tapageuse, répondit doucement Marceline.

– Sans aller jusque-là, vous pourriez…

– N'insistez pas, ma chère, dit Marceline.

Là-dessus, elles demeurèrent silencieuses, penseuses, rêveuses. Le temps coulait pas vite entre elles deux. Elles entendaient au loin, dans les rues, les pneus se dégonfler lentement dans la nuit. Par la fenêtre entrouverte, elles voyaient la lune scintiller sur le gril d'une antenne de tévé en ne faisant que très peu de bruit.

– Il faudrait tout de même que vous alliez vous habiller, dit doucement Marceline, si vous ne voulez pas rater le numéro de Gabriel.

– Faudrait, dit Madeleine. Alors je mets ma veste vert pomme avec la jupe orange et citron du quatorze juillet?

– C'est ça.

(un temps)

– Tout de même, ça me fait triste de vous laisser toute seule, dit Madelaine.

– Mais non, dit Marceline. J'y suis habituée.

– Tout de même.

Elles se levèrent ensemble d'un même mouvement.

– Eh bien, puisque c'est comme ça, dit Madeleine, je vais m'habiller.

– Vous serez ravissante, dit Marceline en s'approchant doucement.

Madeleine la regarde dans les yeux. On cogne à la porte.

– Alors ça vient? qu'il crie Charles.

XIV

Le bahut s'emplit et Charles démarra. Turandot s'assit à côté de lui, Madeleine dans le fond, entre Gridoux et Laverdure.

Madeleine considéra le perroquet pour demander ensuite à la ronde:

– Vous croyez que le spectacle va l'amuser?

– T'en fais pas, dit Turandot qui avait poussé la vitre de séparation pour entendre ce qui se raconterait derrière lui, tu sais bien qu'il s'amuse à son idée, quand il en a envie. Alors pourquoi pas en regardant Gabriel?

– Ces bêtes-là, déclara Gridoux, on sait jamais ce qu'elles gambergent.

– Tu causes, tu causes, dit Laverdure, c'est tout ce 'que tu sais faire.

– Vous voyez, dit Gridoux, ils entravent plus qu'on croit généralement.

– Ça c'est vrai, approuva Madeleine avec fougue. C'est rudement vrai, ça. D'ailleurs nous, est-ce qu'on entrave vraiment kouak ce soit à kouak ce soit?