Выбрать главу

– Koua à koua? demanda Turandot.

– A la vie. Parfois on dirait un rêve.

– C'est des choses qu'on dit quand on va se marier.

Et Turandot donne une claque sonore sur la cuisse de Charles au risque de faire charluter le taxi.

– Me fais pas chier, dit Charles.

– Non, dit Madeleine, c'est pas ça, je pensais pas seulement au marida, je pensais comme ça.

– C'est la seule façon, dit Gridoux d'un ton connaisseur.

– La seule façon de quoi?

– De ce que tu as dit.

(silence)

– Quelle colique que l'egzistence, reprit Madeleine (soupir).

– Mais non, dit Gridoux, mais non.

– Tu causes, tu causes, dit Laverdure, c'est tout ce que tu sais faire.

– Quand même, dit Gridoux, il change pas souvent son disque, celui-là.

– Tu insinues peut-être qu'il est pas doué? Cria Turandot par-dessus son épaule.

Charles, que Laverdure n'avait jamais beaucoup intéressé, se pencha vers son propriétaire pour lui glisser à mi-voix:

– Dmanddzi si ça colle toujours le marida.

– A qui je demande ça? A Laverdure?

– Te fais pas plus con qu'un autre.

– On peut plus plaisanter, alors, dit Turandot d'une voix émolliente.

Et il cria par-dessus son épaule:

– Mado Ptits-pieds!

– La vlà, dit Madeleine.

– Charles demande si tu veux toujours de lui pour époux.

– Voui, répondit Madeleine d'une voix ferme.

Turandot se tourna vers Charles et lui demanda:

– Tu veux toujours de Mado Ptits-pieds pour épouse?

– Voui, répondit Charles d'une voix ferme.

– Alors, dit Turandot d'une voix non moins ferme, je vous déclare unis par les liens du mariage.

– Amen, dit Gridoux.

– C'est idiot, dit Madeleine furieuse, c'est une blague idiote.

– Pourquoi? demanda Turandot. Tu veux ou tu veux pas? Faudrait s'entendre.

– C'était la plaisanterie qu'était pas drôle.

– Je plaisantais pas. Ça fait longtemps que je vous souhaite unis, vous deux Charles.

– Mêlez-vous de vos fesses, msieu Turandot.

– Elle a eu le dernier mot, dit Charles placidement. Nous y vlà. Tout le monde descend. Je vais ranger ma voiture et je reviens.

– Tant mieux, dit Turandot, je commençais à avoir le torticolis. Tu m'en veux pas?

– Mais non, dit Madeleine, vzêtes trop con pour qu'on puisse vous en vouloir.

Un amiral en grand uniforme vint ouvrir les portières.

Il s'esclama.

– Oh la mignonne, qu'il fit en apercevant le perroquet. Elle en est, elle aussi?

Laverdure râla:

– Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire.

– Eh bien, dit l'amiral, on dirait qu'elle en veut.

Et aux nouveaux venus:

– C'est vous les invités de Gabriella? Ça se voit du premier coup d'œil.

– Dis donc eh lope, dit Turandot, sois pas insolent.

– Et ça aussi, ça veut voir Gabriella?

Il regardait le perroquet avec l'air d'avoir l'air d'avoir le cœur soulevé de dégoût.

– Ça te dérange? demanda Turandot.

– Quelque peu, répondit l'amiral. Ce genre de bestiau me donne des complexes.

– Faut voir un psittaco-analyste, dit Gridoux.

– J'ai déjà essayé d'analyser mes rêves, répondit l'amiral, mais ils sont moches. Ça donne rien.

– De quoi rêvez-vous? demanda Gridoux.

– De nourrices.

– Quel dégueulasse, dit Turandot qui voulait badiner.

Charles avait trouvé une place pour garer sa tire.

– Alors quoi, dit Charles, vzêtes pas encore entrés?

– En voilà une méchante, dit l'amiral.

– J'aime pas qu'on plaisante avec moi, dit le taximane.

– J'en prends note, dit l'amiral.

– Tu causes, tu causes, dit Laverdure…

– Vous en faites un sainfoin, dit Gabriel apparu. Entrez donc. Ayez pas peur. La clientèle est pas encore arrivée. Y a que les voyageurs. Et Zazie. Entrez donc. Entrez donc. Tout à l'heure, vous allez drôlement vous marer.

– Pourquoi que spécialement tu nous as dit de venir ce soir? demanda Turandot.

– Vous qui, continua Gridoux, jetiez le voile pudique de l'ostracisme sur la circonscription de vos activités.

– Et qui, ajouta Madeleine, n'avez jamais voulu que nous vous admirassassions dans l'exercice de votre art.

– Oui, dit Laverdure, nous ne comprenons pas le hic de ce nunc, ni le quid de ce quod.

Négligeant l'intervention du perroquet, Gabriel répondit en ces termes à ses précédents interlocuteurs.

– Pourquoi? Vous me demandez pourquoi? Ah, l'étrange question lorsqu'on ne sait qui que quoi y répondre soi-même. Pourquoi? Oui; pourquoi? Vous me demandez pourquoi? Oh! laissez-moi, en cet instant si doux, évoquer cette fusion de l'existence et du presque pourquoi qui s'opère dans les creusets du nantissement et des arrhes. Pourquoi pourquoi pourquoi, vous me demandez pourquoi? Eh bien, n'entendez-vous pas frissonner les gloxinias le long des épithalames?

– C'est pour nous que tu dis ça? demanda Charles qui faisait souvent les mots croisés.

– Non, du tout, répondit Gabriel. Mais, regardez! Regardez!

Un rideau de velours rouge se magnifiquement divisa selon une ligne médiane laissant apparaître aux yeux des visiteurs émerveillés le bar, les tables, le podium et la piste du Mont-de-piété, la plus célèbre de toutes les boîtes de tantes de la capitale, et c'est pas ça qui manque, asteure encore seulement et faiblement animée par la présence aberrante et légèrement anormale des disciples du cicéron Gabriel au milieu desquels trônait et pérorait l'enfant Zazie.

– Faites place, nobles étrangers, leur dit Gabriel.

Ayant toute confiance en lui, ils se remuèrent pour permettre aux nouveaux venus de s'insérer au milieu d'eux. Le mélange opéré, on installa Laverdure au bout d'une table. Il manifesta sa satisfaction en foutant des graines de soleil un peu partout autour de lui.

Un Écossaise, simple loufiat attaché à l'établissement, considéra le personnage et fit part à haute voix de son opinion.

– Y a des cinglés tout de même, qu'il déclara. Moi, la terre verte…

– Grosse flotte, dit Turandot. Si tu te crois raisonnable avec ta jupette.

– Laisse-le tranquille, dit Gabriel, c'es't son instrument de travail. Quant à Laverdure, ajouta-t-il pour l'Écossaise, c'est moi qui lui ai dit de venir, alors tu vas la boucler et garder tes réflexions pour ta personne.

– Ça c'est causer, dit Turandot en dévisageant l'Écossaise d'un air victorieux. Et avec ça, ajouta-t-il, qu'est-ce qu'on nous offre? Du Champagne, ou quoi?

– Ici c'est obligatoire, dit l'Écossaise. A moins que vous preniez le ouisqui. Si vous savez ce que c'est.

– Imdemande ça, s'esclama Turandot, à moi qui suis dans la limonade!

– Fallait le dire, dit l'Écossaise en brossant sa jupette du revers de la main.

– Eh bien gy, dit Gabriel, apporte-nous la bibine gazeuse de l'établissement.

– Combien de bouteilles?

– Ça dépend du prix, dit Turandot.

– Puisque je te dis que c'est moi qui régale, dit Gabriel.