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« Arrête-toi sur quelqu’un ! » demande Adam.

Le regard de Viola se pose sur Bettany. Elle passe son doigt sur la branche des lunettes.

Cowdry, Bettany

Londres

Date de naissance : 25/06/1991

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« Ha ! Ha ! Trop cool, rigole Viola.

— Attends », lui lance Bettany. Elle défait sa queue-de-cheval et plaque ses longs cheveux noirs devant son visage. « Et maintenant ? On me reconnaît encore ? »

Pendant un instant, la reconnaissance faciale est mise hors-jeu. Mais un logiciel de reconnaissance des mouvements corporels prend le relais et transmet de nouveau les informations la concernant.

« De la pure science-fiction ! commente Viola.

— Tu veux dire, en plein dans le présent, oui ! corrige Eddie.

— Allez, à mon tour maintenant ! s’impatiente Bettany.

— OK, OK. »

Viola lui tend les lunettes et suit sur son propre téléphone ce que voit son amie.

Tandis que les carrés clignotent en vert avant de disparaître de l’appareil de Viola, l’un d’entre eux reste obstinément rouge.

« Qu’est-ce qu’il se passe avec celui-ci ? demande Bettany.

— Impossible de l’identifier, répond Adam. Garde-le dans ton collimateur. On va bien voir pourquoi ça fait ça. »

L’air résolu, il se dirige vers un homme mince aux alentours de la trentaine, la peau brune, les yeux avec des reflets jaunes. Un Bengali, probablement, ou un Bangladais, suppose Viola.

Adam lui parle. « Bonjour ! Pardonnez-moi, nous faisons un sondage… »

L’homme le regarde avec méfiance. Il ne fait pas mine de s’arrêter, jusqu’à ce qu’Adam se mette en travers de son chemin.

« Pourrais-je vous… »

Sans un mot, le jeune homme secoue la tête, il veut s’en aller. Il marche à reculons devant lui.

« Monsieur, quel est votre nom ? »

L’inconnu jette des regards rapides à gauche et à droite, puis presse le pas.

Viola jette un coup d’œil à son téléphone. Le carré reste rouge.

« Monsieur ? »

L’homme repousse Adam comme un vulgaire insecte, mais il ne se laisse nullement démonter.

« Monsieur, est-il possible que vous vous trouviez illégalement en Grande-Bretagne ? »

L’autre écarquille les yeux, marque un arrêt, puis le dépasse au pas de course.

« Monsieur… ! »

Adam le laisse filer. L’homme jette des regards nerveux autour de lui avant de disparaître dans la foule.

« J’ai fait mouche, on dirait !

— Ou bien la reconnaissance faciale n’a pas fonctionné, objecte Eddie. Ainsi, tu l’aurais blessé sans raison.

— Pourquoi n’aurait-elle pas fonctionné ? demande Adam.

— Étrange, tout de même », intervient Sally en cherchant le regard d’Eddie.

Soudain, leurs téléphones émettent une sonnerie stridente de sirène de police. Viola manque de laisser tomber le sien.

« Waouh ! » s’exclame Adam. Puis de chuchoter : « Silence, ne vous faites pas remarquer. »

Prudemment, il retire les lunettes du nez de Bettany tout en veillant à ne pas les changer de direction, puis les chausse.

« Eh ! » proteste son amie.

Viola s’interpose. « Chut ! »

Sur son téléphone, elle comprend ce que l’alarme signifie. Un visage entouré d’un cadre bleu clignotant. Celui de l’homme costaud qui se dirige vers eux. Il ne se trouve peut-être qu’à sept ou huit mètres maintenant. Il s’approche d’une démarche chaloupée, roulant des mécaniques, des bras de gorille, les poings fermés. Il porte une casquette de base-ball au-dessus de ses lunettes de soleil, menton et lèvres sont proéminents. Une imposante chaîne pend à son cou.

À côté du cadre apparaît un avis de recherche assorti d’une photographie.

Wanted :

Lean, Trevor

Londres

Date de naissance : 17/04/1983

Délits : effractions, vols, coups et blessures

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« Merde ! s’exclame Eddie. Qu’est-ce qu’on fait ?

— On appelle la police, non ? fait doucement Adam. Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? Vous faites pas remarquer. Appel d’urgence », murmure-t-il.

Le pouls de Viola s’accélère. Elle n’ose pas regarder en direction du type qui se trouve presque à leur niveau maintenant, et lui tourne même le dos. Elle ne quitte pas son téléphone des yeux. Adam, lui, fixe le criminel, de sorte que Viola ne perde rien de la scène.

Devant les yeux d’Adam un symbole de téléphone assorti du numéro d’urgence apparaît.

Lean regarde autour de lui. Il regarde Adam droit dans les yeux. Le jeune homme détourne le regard. Trop tard. Lean accélère le pas.

Grâce à son smartphone, Viola entend la voix féminine de la Metropolitan Police qui parle à Adam. Le souffle court, il lui explique qui ils ont rencontré et à quel endroit. Il se met à marcher derrière Lean, à quelques pas de lui, tout en continuant à le regarder. Viola et les autres se lancent au pas de course derrière leur ami. Viola a un pressentiment désagréable. C’en est fini de jouer.

Voilà longtemps que les Londoniens se sont habitués aux objectifs qui surveillent nuit et jour leurs faits et gestes. C’est le cas de ce groupe de jeunes qui se hâtent dans Mare Street. Ils ne prêtent qu’à peine attention aux caméras installées dans les années 1990. Pas plus à celle qui se trouve cent mètres derrière eux qu’à celle située trois cents mètres plus loin. Les prises de vues sont transmises quasiment à la vitesse de la lumière. Et dans la mesure où aucune force armée n’a à sa disposition trois mille policiers à installer devant autant d’écrans, c’est un ordinateur qui accomplit le travail. Lorsque le logiciel remarque quelque chose d’inhabituel, une alarme se déclenche et les images sont envoyées sur un écran devant lequel est assis un ou une fonctionnaire en chair et en os, bien souvent un opérateur de l’unité de vidéosurveillance rapprochée de Lambeth (Closed-circuit télévision, CCTV), l’un des trois postes de commandement de la London’s Metropolitan Police. Seule la police est autorisée à utiliser ce circuit de caméras fermé. En théorie. Lorsque l’un des opérateurs de l’unité de vidéosurveillance reçoit des images suspectes sur son écran, il en informe l’équipe qui se trouve dans la pièce attenante.

Là, des dizaines de policiers et de fonctionnaires en civil, installés devant un nombre impressionnant d’écrans, prennent les appels, en évaluent l’urgence, dépêchent des forces d’intervention si nécessaire et coordonnent les opérations. Les chuchotements et les bourdonnements de leurs voix emplissent l’endroit.

Au-dessus de leurs têtes s’étendent sur deux des côtés de la salle d’impressionnants murs d’écrans qui relaient les images sans cesse changeantes des caméras. Immeubles, tramways, vues d’ensembles, gros plans, différentes perspectives, véhicules mal garés, badauds ou gens pressés forment un panorama de Londres en forme de mosaïque, un panoptique mouvant, un patchwork vivant. De quoi devenir fou pour qui n’y est pas habitué.

Un opérateur récupère l’appel d’Adam tandis que l’on voit sur l’écran de son ordinateur les images de l’unité de vidéosurveillance.

L’opérateur comprend rapidement ce dont il s’agit. Un individu court dans la rue animée, quatre autres le suivent à une certaine distance, plus lentement. L’homme pressé doit probablement être ce Trevor Lean. Il fait un zoom pour cadrer les quatre amis et le criminel. Le visage du suspect est méconnaissable à cause de sa casquette. Il est vêtu d’un jogging sombre. Les poursuivants sont jeunes, ils doivent avoir environ dix-huit ans, selon l’opérateur. Le premier d’entre eux est costaud et porte des lunettes. Il n’a pas de téléphone. Comment fait-il alors pour appeler ? L’autre garçon est un peu plus petit et plus mince, il a l’air plus souple. Deux jeunes filles marchent un peu en retrait.