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— Comment se fait-il que la mère de Kate ne se soit pas manifestée ? demanda-t-il.

— Elle s’est toujours désintéressée de sa fille…

— À ce point-là ?

— Helen vit à Londres depuis des années, expliqua Montgomery. Nous nous sommes séparés à sa naissance.

— C’est vous qui en avez eu la garde ?

— Oui.

— Avec vos tournées ? feignit de s’étonner Epkeen.

— Je n’étais pas connu à l’époque.

— Vous voulez dire que Kate a été abandonnée par sa mère ?

— En quelque sorte.

L’Afrikaner acquiesça : voilà qui expliquait bien des choses…

— Vous savez si votre fille se droguait ?

— Bah… J’imagine que Kate prenait parfois un peu de cocaïne pour faire la fête, comme tous les jeunes de son milieu… Je suis malheureusement mal placé pour vous renseigner.

— Vous parliez de quoi ?

— Surtout de son travail… Ça marchait bien, le stylisme.

Il aurait dit la même chose du marché de la banane.

— Vous lui présentiez des gens ?

— Non. Kate savait se débrouiller toute seule.

— Des amies, ou des compagnes, à qui elle aurait pu se confier ?

— Il est de notoriété publique que je suis homosexuel.

— Vous en avez de la chance… Vous ne connaissez donc personne qui puisse me renseigner sur votre fille ?

— Malheureusement, non.

— Et ses petits copains, elle vous en parlait ?

— Kate était pudique avec moi, répondit son père. Je crois que ça ne l’intéressait pas beaucoup, les garçons…

Epkeen alluma une cigarette.

— On pense que votre fille a été victime d’un tueur en série, dit-il, un Zoulou qui appartiendrait à un gang du township. Il y a une histoire de trafic de drogue là-dessous. Une personne a dû servir d’intermédiaire, ou de complice…

— Ma fille n’est pas une délinquante, affirma Montgomery, si c’est ça que vous insinuez.

— C’est aussi ce que disait Stewart Wiese à propos de sa fille… Vous le connaissez ?

— Stewart Wiese ? Oui, je l’ai croisé une fois, il y a des années, après la victoire en Coupe du monde…

Les deux jeunes femmes ne se connaissaient pas, il avait vérifié.

— Aucune raison pour qu’on vous en veuille, à vous ou à Wiese ?

— Hormis le fait que nous soyons connus ?

— Je veux votre avis, pas celui des tabloïds.

— Non… (Montgomery secoua son brushing.) On peut en vouloir à mon argent, mais pas à Kate. Kate est innocente. C’était une jeune femme tout ce qu’il y a de plus normale.

— Votre fille a séjourné dans une maison de repos, fit remarquer Epkeen : trois mois d’après la fiche de l’établissement. Une première fois à l’âge de seize ans, la deuxième fois à dix-huit.

Montgomery reprit des couleurs.

— De l’histoire ancienne, répondit-il.

— Cure de désintoxication ?

— Non, une cure de repos.

— On est si fatigué que ça à seize ans ?

— Les crises d’adolescence, ça ne vous dit rien ? C’est vieux de toute façon, s’agaça-t-il. Et je ne vois pas le rapport avec le meurtre de ma fille.

Le chanteur n’avait pas l’habitude qu’on lui parle sur ce ton. Il était entouré de gens qui toute la journée lui rappelaient à quel point il était formidable.

— Arrêtez de me prendre pour une majorette, Montgomery, dit-il. Votre fille a fait deux cures dans un établissement spécialisé et, à cet âge, il n’y a pas trente-six possibilités : ou elle se droguait, ou elle a attenté à ses jours. Voire les deux. Kate n’allait pas bien, désolé de vous l’apprendre : on a retrouvé des dizaines de coupures sur son corps, des blessures qu’elle s’infligeait régulièrement. Cutting, dans le jargon : tentative de retour à la réalité afin d’éviter l’effondrement psychique total… (Epkeen lui cracha la fumée de sa cigarette au visage.) Parlez ou je vous noie dans votre piscine en or.

— Un problème, monsieur Montgomery ? s’enquit Stevens.

— Non, non…

Le glouglou de la piscine dissipa le soupir de la star.

— La mère de Kate était une actrice talentueuse mais quelque peu… spéciale. Je croyais qu’elle avait compris que fonder une famille n’était pas mon truc, mais Helen est tombée enceinte et a voulu garder l’enfant en croyant me garder… Comme ma carrière commençait à décoller, Helen est repartie en Angleterre en me laissant le bébé sur les bras… C’était sa vengeance… Kate a voulu revoir sa mère à l’adolescence mais ça s’est mal passé.

— Elle a commencé alors à se droguer, l’aida Epkeen. Elle a pu replonger.

— Je ne sais pas…

— Vous l’avez internée après une tentative de suicide, c’est ça ?

— C’est arrivé une fois, répliqua Montgomery, je ne voulais pas que ça se reproduise.

— Pourquoi le cacher ?

— Quoi ?

— Que votre fille est une ancienne toxico dépressive.

— Une cure de repos et un suivi psychologique ont permis à Kate de s’en sortir, dit-il : je ne vois pas matière à faire de la publicité autour de cette affaire !

— Je cherche à savoir quel genre de proie était votre fille, répliqua Epkeen. Quelqu’un l’a attirée dans un piège. Kate était vulnérable et la drogue semble la piste la plus évidente.

Montgomery tripotait nerveusement sa chevalière de diamant.

— Écoutez, lieutenant, dit-il enfin. Si je n’ai pas toujours été là, je sais deux ou trois choses sur ma fille : Kate a eu une enfance et une adolescence difficiles, j’ai essayé de lui offrir les meilleures écoles, ça n’a pas été joyeux tous les jours, mais Kate s’est battue, et elle s’est reconstruite toute seule. La drogue ne l’intéressait plus. Elle voulait vivre sa vie, c’est tout. Elle voulait vivre, vous comprenez ?

— Oui : à coups de cutter.

* * *

Brian ne croyait pas beaucoup au hasard, plutôt à la conjonction des trajectoires. Il rentrait au central après son entretien avec Montgomery quand, sortie comme un obus de son bureau, Janet Helms lui tomba littéralement dans les bras.

— Vous avez eu mon message ?!

Il recula pour faire le point :

— Non.

— J’ai repéré un véhicule qui pourrait correspondre à ce que vous cherchez, annonça l’agent de renseignements : un 4x4 de marque Pinzgauer Steyr Puch, modèle 712K, filmé par la caméra d’une station-service la nuit du drame.

La mort de Fletcher. Les yeux ronds de Janet étaient rouges de mauvais sommeil mais la tristesse avait fait place à une forme d’excitation. Il la suivit jusqu’au bureau voisin.

— La station-service en question se situe sur Baden Powell, la route qui longe False Bay jusqu’à Pelikan Park, expliqua-t-elle en tapant sur le clavier de son ordinateur. À trois heures douze du matin… On ne distingue pas le visage du conducteur derrière les vitres fumées et la plaque est illisible.

Epkeen se pencha vers les bandes grisâtres de l’écran. La carrosserie était sombre. On ne voyait que les mains du conducteur, un Blanc visiblement, ou un métis…

— J’ai mené des recherches, poursuivit Janet : aucun Pinzgauer de ce modèle n’a été déclaré volé ces derniers temps. J’ai bien trouvé un 4x4 de ce type volé dans la province du Natal il y a deux mois, et un autre à Jo’burg en fin d’année, mais tous les deux ont été brûlés après des braquages de transport de fonds. J’ai donc recensé les Pinzgauer en circulation…