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Trois nuages passèrent sous la lune intermittente. Brian commençait à suer sous la cagoule, qui puait l’antimite. Le vigile réapparut enfin au coin de la maison. Epkeen serra sa matraque, le dos plaqué contre le hangar. Le faisceau de la torche passa devant lui… L’homme esquissa à peine un geste : la matraque heurta sa nuque au niveau de la mœlle épinière. Epkeen l’accompagna dans sa chute, tira le corps à couvert. Le vigile, un Blanc aux cheveux ras, semblait dormir. Il imbiba de chloroforme le coton qu’il tenait dans sa poche et pressa le tout sur son nez — de quoi le laisser plusieurs heures sur le carreau… Deux minutes quarante : évitant la caméra qui balayait la cour, il fila vers l’aile sud de l’agence.

Des barreaux de fer bloquaient l’accès au rez-de-chaussée mais pas les fenêtres de l’étage. Il resserra les attaches de son petit sac à dos et, prenant appui sur les rebords de la gouttière, se hissa jusqu’au balcon. Il tira aussitôt le pied-de-biche de son sac, cala le cran contre l’ouverture de la fenêtre, qui céda dans un affreux bruit de bois. Il grimaça, pénétra à l’intérieur.

La pièce à l’étage faisait office de débarras : deux malles cadenassées contre le mur, d’autres caisses empilées… Aucun bruit : Epkeen ouvrit doucement la porte. Elle donnait sur un couloir et une source de lumière au rez-de-chaussée… Une minute : il marcha à pas de velours jusqu’à l’escalier, oublia la trotteuse. On entendait des voix en bas, un homme et une femme, qui s’esclaffaient depuis le poste de télésurveillance… Il descendit les marches, serrant sa matraque.

— Et la blonde qui voit un bateau dans le désert, tu la connais ?

— Non !

— Eh ben, c’est l’histoire d’une blonde et d’une brune en voiture, qui aperçoivent un bateau, en plein milieu du désert ; à ce moment-là la brune lui dit…

Le vigile était assis sur un siège pivotant, tournant le dos à la porte. Près des écrans de contrôle, la standardiste buvait ses mots en souriant d’avance. Elle ouvrit soudain de grands yeux catastrophés, cria en se tenant la bouche, trop tard : la matraque heurta le crâne de son collègue. Le vigile pivota sur le siège et s’écroula à ses pieds, de petits pieds boudinés dans des mocassins à pompons qui n’osaient plus bouger.

— Non… (Elle voulut se débattre.) Non !!!

Maîtrisant sans mal ses pauvres moulinets, Epkeen lui coinça le cou et pressa le mouchoir imbibé sur son visage. La standardiste s’agita un moment, avant de choir comme une princesse délurée dans ses bras. Il étendit la fille sur le sol, administra sa dose de chloroforme au vigile et ôta enfin sa cagoule puante, trempée de sueur. La tête lui tournait un peu mais il n’avait pas de temps à perdre — alertée par le silence radio, une patrouille ne tarderait pas à rappliquer…

L’ordinateur central se situait dans un bureau du rez-de-chaussée. Janet Helms l’avait déjà visité. Il fouilla dans les dossiers entreposés sur les étagères, tomba sur des chiffres, des rapports, des listings de clients… Il faudrait des heures pour les éplucher. La sonnerie du standard retentit depuis le bureau voisin. Il grimpa à l’étage. Les caisses métalliques entrevues tout à l’heure étaient rangées contre le mur, deux grosses malles sans nom ni destination… Epkeen cala le pied-de-biche et fit sauter le cadenas. Des rangées de tubes étaient soigneusement rangés à l’intérieur, protégés par de la mousse : des centaines d’échantillons étiquetés, aux codes incompréhensibles. Il extirpa l’un d’eux et évalua le liquide : du sang…

Il mit l’échantillon dans sa poche, jeta un regard inutile vers la fenêtre, et força l’ouverture de la deuxième malle, qui céda bientôt. Il y avait un disque dur, entouré de polystyrène. Epkeen le déposa sur le parquet et dégagea l’armature. Des sachets de poudre apparurent sous le faisceau de sa torche, des centaines de doses sous plastique. Même texture, même couleur que la came retrouvée dans le mobil-home… Il crut alors entendre le bruit d’une voiture dans la cour. Le téléphone sonna au même moment, en bas.

Brian regarda sa montre, fébrile : le quart d’heure qu’il s’était donné s’était écoulé. Il remit sa cagoule puante, fourra le disque dur dans son sac à dos, prit deux sachets de poudre et déguerpit.

* * *

1) Les personnes qui souffrent actuellement de déficiences en neurotransmetteurs (NT) cumulent de nombreuses maladies propres à l’homme occidental : obésité, dépression, anxiété, insomnie, troubles de la ménopause, etc. Plusieurs aires cérébrales, participant à l’humeur et à la régulation de l’appétit, du sommeil, du désir sexuel et de la mémoire, sont perturbées chez les personnes dépressives. Hormis l’hypophyse, toutes ces aires font partie du système limbique ; elles reçoivent, normalement, des signaux en provenance des neurones qui sécrètent de la sérotonine ou de la noradrénaline. Une baisse de l’activité des circuits sérotoninergiques ou noradrénergiques favoriserait l’installation d’un état dépressif. D’après nos études, de nombreuses dépressions semblent résulter de perturbations des circuits cérébraux qui utilisent des monoamines comme neuromédiateurs. Les antidépresseurs les plus vendus en Europe et aux États-Unis, tel le Prozac, fonctionnent en augmentant artificiellement le taux de sérotonine dans les synapses des neurones atteints par ces maladies. Trouvez le gène qui permettrait d’avoir un taux suffisant et régulé de ce NT et vous obtenez des « surhommes » : plus d’obésité, plus d’anxiété, de dépression, d’insomnies. De la même manière, on pourra être soumis aux stress les plus terribles sans que le mental en souffre : un blockbuster en puissance, susceptible d’être vendu à des centaines de millions de personnes.

2) Nous avons porté nos recherches sur une enzyme, la MAO. L’enzyme intracellulaire MAO (monoamine-oxydase) module la concentration synaptique et dégrade les monoamines (sérotonine et noradrénaline). Son gène a été cloné, ainsi que les zones en amont permettant sa régulation. Les morceaux d’ADN correspondant à cette enzyme ont donc été introduits avec succès dans un AAV. Ce vecteur viral a été testé avec succès sur des singes. Nous avons utilisé la thérapie génique in vivo, qui consiste à injecter le vecteur portant le gène d’intérêt thérapeutique directement dans la circulation sanguine, celui-ci devant atteindre spécifiquement les cellules cibles…

Les effets secondaires de ce genre de substances ne pouvant se voir que sur des cobayes humains, nous avons préparé et testé ces recombinants sur des personnes déterminées.

Après de longs tâtonnements liés à une hypertension et surtout à des réactions suicidaires ou de violence accrue, nous pouvons affirmer aujourd’hui que ces tests sont positifs.

3) Nous avons par ailleurs sélectionné une souche de HIV-1-4 avant de procéder à l’obtention de virus mutés dans le gène de la gp41. Cette glycoprotéine possède le peptide qui correspond à un domaine responsable de l’interaction avec la cavéoline, protéine de la membrane cellulaire qui, en association avec d’autres constituants de la membrane, est impliquée dans l’internalisation d’éléments externes, comme des virus (par exemple). Ce domaine de gp41, nommé CBD1, joue un rôle important au cours de l’infection des cellules par le HIV. La mutation, contrairement aux recherches développées par nos confrères, permet une pénétration plus importante et efficace dans les T4. Le virus devient ainsi capable d’infecter et de détruire 80 % des T4 en quelques semaines. Les personnes infectées par ce « super-virus » meurent de maladies opportunistes avant même d’avoir été déclarées séropositives.